L'algèbre (de l’arabe :الجبر,al-jabr) est une branche desmathématiques qui permet d'exprimer les propriétés desopérations et le traitement deséquations et aboutit à l'étude desstructures algébriques. Selon l’époque et le niveau d’études considérés, elle peut être décrite comme :
unearithmétique généralisée, étendant à différents objets ou grandeurs lesopérations usuelles sur les nombres ;
depuis le début duXXe siècle, l’étude des structures algébriques (on parle d'algèbre générale ou abstraite).
Le domaine d'application de l'algèbre s'étend des problèmes arithmétiques, qui traitent de nombres, à ceux d'origine géométrique tels que lagéométrie analytique deDescartes ou lesnombres complexes. L'algèbre occupe ainsi une place charnière entre l'arithmétique et lagéométrie permettant d'étendre et d'unifier le domaine numérique[n 1].
Le motarabeal-jabr (الجبر) signifie « réduction d'une fracture », « réunion (des morceaux) », « reconstruction », « connexion », « restauration », « reboutement ». Dans le contexte mathématique, il désigne la transformation d'uneéquation par ajout d'un terme. En langage actuel, par exemple, on peut transformer, en ajoutant la quantité b aux deux membres de l'équation pour n'avoir que des termespositifs :.
Il est à l’origine du motlatinalgebra qui a donné « algèbre » en français. Enespagnol, le motalgebrista[2] désigne aussi bien celui qui pratique lecalcul algébrique que lerebouteux (celui qui sait réduire lesfractures).
Dès l'Antiquité égyptienne oubabylonienne, lesscribes disposaient de procédures pour trouver une quantité inconnue soumise à certaines conditions. Ainsi, les anciensBabyloniens et Égyptiens savaient déjà résoudre des problèmes qui peuvent être traduits enéquations du premier ou second degré. Les Babyloniens utilisaient également la technique desalgorithmes[3], et cela bien avantEuclide.
« On doit diviser 100 miches de pain entre dix hommes comprenant un navigateur, un contremaître et un gardien, tous trois recevant double part. Que faut-il donner à chacun ? »
Dans un autre exemple[4], un problème babylonien demande le côté d'un carré tel qu'onobtienne 870 en soustrayant ce côté de l'aire du carré. Traduit en termes algébriques cela revient à résoudre l'équation du second degré suivante :, où « x » désigne le côté cherché.
La mathématique grecque appelait « analyse » la méthode qui consiste à nommer une inconnue et à la manipuler afin de remonter à partir des conditions imposées par l'exercice jusqu'à l'identification des propriétés de l'inconnue qui alors peut être déterminée et devient connue.
Dans le livreKitāb al-mukhtaṣar fī ḥisāb al-jabr wa-l-muqābala (« Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison ») du mathématicienAl-Khwarizmi, écrit àBagdad, sous le règne d'Al-Ma’mūn(813-833), une large proportion des méthodes utilisées sont issues de résultats élémentaires de géométrie. Pour cette raison, on classe souvent ces premiers résultats dans la branche de l'algèbre géométrique.
L'innovation majeure fut l'introduction du concept d'« équation »[6]. Il s'agissait d'une égalité entre deux expressions mathématiques comportant dans leurs termes des nombres connus et une quantité inconnue. Une telle égalité était la traduction enlangage mathématique des conditions imposées par le problème pour découvrir l'inconnue. Par exemple :« quel est le carré qui combiné avec dix de ses racines, donne une somme égale à 39 ? », problème que nous traduirons en algèbre contemporaine (il s'agit plus précisément d'une « transcription » et non d'une traduction, car la notation en exposants numériques ne commence qu'avec Descartes) sous la forme :, en notant « x » la racine inconnue du carré. Des symboles spéciaux sont créés pour désigner carré, cube, racine carrée, racine cubique : la notion d'exposant numérique, même simplement entier, n'émerge pas encore[7].
La légende attribue parfois àLéonard de Pise ditFibonacci (1170-1250) l'importation des chiffres dits arabes qu'il aurait découverts lors d'un voyage en Afrique. C'est oublier queGerbert d'Aurillac (945-1003), qui les avait étudiés à Cordoue, avait entrepris de les imposer à la chrétienté une fois devenu pape de l'an Mil sous le nom de Sylvestre II. C'est cependant le livre de FibonacciLiber abaci[n 3] , qui définira la fameusesuite de Fibonacci et contribuera à populariser l'usage deschiffres arabes et dusystème décimal en Europe[9].
Cette numération de position complète bien le calcul algébrique, d'abord au moyen desalgorithmes (terme dérivant de « Al-Khwarizmi »[10], mais procédé déjà utilisé dans l'algorithme d'Euclide), qui remplacent peu à peu l'usage de l'abaque.
Jusqu'auXVIIe siècle, l'algèbre peut être globalement caractérisée comme la suite ou le début des équations et comme une extension de l'arithmétique ; elle consiste principalement en l'étude de la résolution deséquations algébriques, et la codification progressive des opérations symboliques permettant cette résolution.François Viète (1540-1603),« considéré comme le fondateur de notre langage algébrique », innove en notant les inconnues et les indéterminées à l'aide de lettres[12].
Alors que chez Viète les puissances étaient notées avec des mots latins[12], René Descartes les note sous forme d'exposants et c'est cette écriture qui s'impose[12]. À peu de chose près nous avons conservé les notations littérales de Descartes qui constituent un véritable symbolisme algébrique. Le terme « algèbre » devient alors synonyme de « calcul littéral ». René Descartes etPierre de Fermat introduisent également ce que l'on appelle toujours dans les collèges et les lycées la « géométrie analytique », autrement dit la géométrie des coordonnées : les courbes et les surfaces sont représentées par des équations que l'on manipule au moyen de l'algèbre.
Les mathématiciens commencent, aussi à cette époque, progressivement à utiliser desnombres « imaginaires » pour calculer les racines de leurs équations, parfois même quand ces dernières sont bien réelles[n 4].
Une étape décisive fut franchie avec l'écriture des exposantsfractionnaires, puis rapidementréels etimaginaires. Ceux-ci permettront àEuler d'énoncer sa célèbre formule liant cinq nombres remarquables. Par cesexposants imaginaires s’opère la jonction sans couture du monde algébrique et du monde trigonométrique.
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L'école française, sous le pseudonyme deNicolas Bourbaki, emmenée parWeil (1906-1998),Cartan (1904-2008) etDieudonné (1906-1992), entreprend de réécrire l'ensemble des connaissances mathématiques sur une base axiomatique : ce travail gigantesque commence par lathéorie des ensembles et l'algèbre dans le milieu du siècle, et confirme l'algèbre comme langage universel des mathématiques. Paradoxalement, alors que le nombre de publications suit unecroissance exponentielle à travers le monde, alors qu'aucun mathématicien ne peut prétendre dominer qu'une toute petite partie des connaissances, les mathématiques n'ont jamais autant paru unifiées qu'aujourd'hui.
L'étude de ces structures peut être faite de manière unifiée dans le cadre de l'algèbre universelle.
Lesexposants numériques apparaissent également avec Descartes. On utilisait auparavant des signes spéciaux pour lescarrés et lescubes ainsi que lesracines carrées oucubiques ;
Par extension, on attribue aussi le qualificatif d’« algébrique » à d’autres parties des mathématiques dont les objets ou les méthodes relèvent de l’algèbre.
Lagéométrie algébrique est la partie de la géométrie qui étudie descourbes ou desvariétés algébriques, c’est-à-dire des courbes ou des variétés définies par des équations polynomiales, avec des techniques elles-mêmes souvent issues de l’algèbre.
Latopologie algébrique applique les outils de l'algèbre à l'étude desespaces topologiques, en cherchant à associer de manière naturelle des invariants algébriques aux structures topologiques associées.
« The earliest printed book on algebra was composed by Lucas de Burgo, a minoritet friar. was first printed in 1494, and again in 1523. The title is 'Summa de Arithmetica, Geometria, Proportioni, et proportionalita.' »
↑Ernst Kummer, « Zur Theorie der complexen Zahlen »,Journal für die reine und angewandte Mathematik35, 319-326 (1847), reproduit dans Ernst Eduard Kummer,Collected Papers, Volume I, Springer, 1975, p. 203-210 : « einer eigenthümlichen Art imaginärer Divisoren, welche ichideale complexe Zahlen nenne ». Voir l'introduction d'André Weil au volume de 1975, p. 5 et 10.
Roshdi Rashed,Entre arithmétique et algèbre : recherches sur l'histoire des mathématiques arabes, Les Belles lettres,(ISBN2251355316)
Jacques Sesiano,Une introduction à l'histoire de l'algèbre : résolution des équations des Mésopotamiens à la Renaissance, Presses polytechniques et universitaires romandes,(ISBN978-2-88074-394-9)