La naissance de l’émirat aghlabide enIfriqiya intervient au terme d’un demi-siècle de troubles politiques et religieux consécutifs à lagrande révolte berbère de 740. En 750, lecalifat omeyyade s’effondre, et la nouvelle dynastie desAbbassides deBagdad ne parvient pas à établir d’une manière permanente leur autorité sur la province d'Ifriqiya. La dynastie des gouverneursMouhallabides, fidèles aux nouveaux califes abbassides, doit affronter les révoltes des contingents arabes (jund).
En 800, le calife abbassideHaroun ar-Rachid nommeIbrahim ibn al-Aghlab, fils d'un commandant arabe dukhorasan[5] de la tribu desBanu Tamim[4], comme émir héréditaire de l'Ifriqiya en réponse à l'anarchie qui a régné dans la province à la suite de la chute des Mouhallabides. À cette époque, il y a peut-être entre 100 000 et 250 000 Arabes vivant en Ifriqiya, bien que lesBerbères constituent toujours la grande majorité de ses habitants[6].
Ibrahim doit contrôler une zone qui englobait l'Est de l'Algérie, laTunisie et laTripolitaine[7] avecKairouan comme capitale[8]. Bien qu'indépendante dans tous les domaines, la dynastie n'a jamais cessé de reconnaître nominalement la suprématie abbasside. Les Aghlabides payent un tribut annuel au calife abbasside et leur suzeraineté est référencée dans lakhutba, lors desprières du vendredi[9].
Après la pacification du pays, les émirs Aghlabides s’installèrent d’abord à Al Abbassiya, dans les environs immédiats deKairouan, puis ils fondèrent la cité deRaqqada à neuf kilomètres au sud-ouest. Elle est fondée en dehors deKairouan, en partie pour prendre ses distances avec l'opposition des juristes et théologiensmalékites, qui condamnent ce qu'ils ont observé comme la luxueuse vie des Aghlabides (pour ne pas mentionner le fait que les Aghlabides sontMutazilites en théologie et fiqh hanafite en jurisprudence), et n'apprécient pas le traitement inégal envers les Berbères musulmans. En outre, des défenses frontalières (ribat) sont mises en place àSousse et àMonastir. Les Aghlabides développent également l'irrigation et améliorent les bâtiments publics et les mosquées[7].
Une caractéristique majeure des Aghlabides est que, malgré les différences politiques et les rivalités présentes entre les Aghlabides, les Abbassides, et l'Émirat de Cordoue, les musulmans d'Espagne sont transportés par voie maritime, également sous le règne d'Asba ibn Wakil, pour aider à laconquête aghlabide de la Sicile.Ibn Kathir rapporte qu'une force conjointe de 300 navires omeyyades et aghlabides est présente[10]. La garnison aghlabide de Mineo réussit à entrer en contact avec les Omeyyades d'Andalousie qui acceptèrent immédiatement l'alliance, à condition qu'Asbagh soit reconnu comme commandant général et, avec de nouvelles troupes d'Ifriqiya, ils marchèrent sur Mineo. Théodotus se retira à Enna et le siège de Mineo fut brisé (en juillet ou)[11],[12],[13]. L'armée combinée Ifriqiyenne et andalouse incendie ensuiteMineo et assiège une autre ville, peut-être Calloniana (actuelleBarrafranca). Cependant, une peste éclate dans leur camp causant la mort d'Asbagh et de beaucoup d'autres. La ville tombe plus tard, en automne, mais le nombre d'Arabes s'est réduit considérablement. Par la suite, ils doivent l'abandonner et se retirent à l'ouest. Théodotus s'est lancé à leur poursuite, et leur inflige de lourdes pertes, de sorte que la plupart des Andalous ont quitté l'île. Cependant, Théodotus est également tué à ce moment-là, peut-être dans l'une de ces escarmouches[14],[15].
Le royaume aghlabide atteint son apogée sous le règne d'Ahmed ibn Mohammed al-Aghlabi (856-863). L'Ifriqiya est une puissance économique importante grâce à son agriculture fertile, aidée par l'expansion du système d'irrigation romain. Elle devient le point focal du commerce entre le monde islamique et Byzance et l'Italie, en particulier la lucrative traite des esclaves. Kairouan devient le centre d'apprentissage le plus important auMaghreb, notamment dans le domaine de la théologie et du droit, et un lieu de rassemblement pour les poètes. Les émirs aghlabides patronnent également des projets de construction, notamment la reconstruction de lamosquée d'Oqba et le royaume développe un style architectural qui combine l'architecture abbasside etbyzantine[20].
Le déclin de la dynastie commence sousIbrahim II (875-902). Une attaque desToulounides d'Égypte doit être repoussée et une révolte des Berbères est étouffée au prix de lourdes pertes humaines pour les forces aghlabides. En outre, en 893, la missionismaélite dirigée parAbou Abdallah al-Chii prend racine chez les berbèresKetamas. En 902,Obeïd Allah al-Mahdi et sa troupe Kutama fanatisée prennent les villes de Kairouan etRaqqada et obtiennent un serment d'allégeance du peuple. Le succès des Fatimides est fulgurant et le dernier émir aghlabide, Ziyadat Allah III, s’enfuit vers l’Orient en 909. En conséquence, la dynastie aghlabide est renversée et remplacée par les Fatimides[21].
Moyennant le payement d'un impôt appelékharaj et l'observation de certaines restrictions sociales, leschrétiens et lesjuifs restés en Ifriqya après la conquête musulmane parviennent à conserver leur religion et leurs lieux de culte. À cette époque, il existe une communauté chrétienne à Tunis, Kairouan et desarchevêchés existent notamment àTozeur,Mahdia etCarthage. Vers893, unschisme divise lesévêques d'Afrique qui envoient des délégués àRome pour soumettre leur différend aupape.
Bien que la présencearabe enIfriqiya remonte à laconquête musulmane du Maghreb, elle demeura initialement essentiellement militaire. Toutefois, sous la dynastie Aghlabide, l'immigrationarabe en provenance duMoyen-Orient s’intensifia et se diversifia, marquant une transformation profonde de la région. De nombreux fonctionnaires, commerçants, artisans et religieux s'établirent alors dans les principaux centres urbains de l'époque. Leur installation joua un rôle déterminant dans l'arabisation culturelle et linguistique de la région[22].
La gouvernance Aghlabide, siégeant àKairouan, s'inspire largement de celle desCalifes Abbassides àBagdad. Elle reposait sur desdiwans, assimilables à des offices, chacun en charge d'un domaine spécifique, et sous le contrôle de l'émir, qui était assisté par unvizir, deuxième personnage de l'émirat.
Le pouvoir judiciaire, basé sur ledroit musulman, était confiée auxcadis. Le cadi de Kairouan, nommé directement par l'émir, occupait une position prééminente et désignait, à son tour, les autres cadis sur l'ensemble du territoire.
Pour ce qui concerne l'ordre public, l'émirat s'appuyait sur le corps desmuhtasib, des fonctionnaires chargés de veiller au respect des lois, en particulier du droit commercial.
L'administration territoriale de l'émirat se composait de circonscriptions civiles (kura , pl.kuwar ) et de districts militaires (jund , pl.ajnad )[23],[24].
↑Il assiège Rome qu'il occupe deux mois et regagne Kairouan avec un fabuleux butin.
↑La fin de son règne est marquée par le despotisme et de nombreux assassinats. Pris de remords, il abdique et finit sa vie en Sicile.
↑Fils du précédent, il est marqué par la violence de son père. Adhérant au soufisme, il renonce au luxe de ses palais. Il est assassiné dans son sommeil par des partisans de son fils qu'il a voulu emprisonner à cause de la liberté de ses mœurs.
↑Il ne peut empêcher la poursuite du déclin de sa dynastie. Alors que son armée est écrasée, il abdique et s'enfuit à Bagdad avant de s'établir en Palestine.