La province d'Afrique[1] est créée en[1],[2], après ladestruction de Carthage[1], au terme de latroisième guerre punique ; ayantUtique pour capitale[3], elle est séparée duroyaume de Numidie par une ligne de démarcation[1], laFossa regia. En,Rome annexe la Numidie avec le nom de« nouvelle province d'Afrique » (Africa Nova) pour la distinguer de la première (Africa Vetus)[1]. Vers40-, les deux provinces sont réunies dans la province appelée d'Afrique proconsulaire ; ayantCarthage pour capitale, elle s'étend, d'ouest en est, de l'embouchure de l'Ampsaga (aujourd'hui l'Oued-el-Kebir, enAlgérie) au promontoire de l'autel des frères Philènes (aujourd'hui Ras el-Ali, enLibye)[1]. En[4], celle-ci est divisée parDioclétien en trois provinces : laTripolitaine, laByzacène et l'Afrique proconsulaire résiduelle, aussi appeléeZeugitane[5].
Tridrachme en électrum de Carthage frappé à Zeugitane.Étendue de la province d'Afrique vers120.Villes de l'Empire romain vers125.Carte dugolfe de Tunis où est situéCarthage.
La province d’Afrique fut conquise en lors de latroisième guerre punique, qui opposait les cités deCarthage et deRome. En, le consulScipion Émilien débarqua dans le territoire de Carthage et prit la ville après un siège de trois ans.
Après cette victoire, la ville de Carthage fut détruite et son site voué aux dieux infernaux par une cérémonie d’execratio. Le territoire (chôra) de la cité fut annexée à l’ager publicus, le domaine public de la ville de Rome, formant ainsi une nouvelle province. Sept cités qui ont pris le parti de Rome pendant la guerre conservent leur liberté et ne sont donc pas annexées à l’ager publicus : Utique, Hadrumète, Leptis Minor, Thapsus, Acholla, Usula et Theudalis.
Le territoire de la nouvelle province était assez important, de 20 000 à 25 000 km2[6], mais peu densément peuplé, 700 000 habitants au maximum avant la conquête romaine, et surtout extrêmement fertile. Il constituait donc un territoire de colonisation rêvé pour le parti despopulares tentant de résoudre les crises économique et sociale frappant la plèbe romaine par la redistribution de terres de l’ager publicus aux paysans appauvris. En une épidémie ravagea l’Afrique, libérant de nouvelles terres pour une éventuelle colonisation. Ce phénomène ne doit pas être assimilé à la colonisation européenne de l’époque moderne et contemporaine ; pendant l’Antiquité, coloniser c’est fonder une colonie, une cité dépendant de la métropole et bénéficiant de ses lois et de sa protection. En letribun de la plèbeC. Sempronius Gracchus, chef du parti despopulares, fonda une colonie sur le territoire de l’ancienne Carthage : lacolonia Iunonia Karthago[7]. Cette colonie était alors la seule existante en dehors de l’Italie. Les terres distribuées aux colons représentaient300 000ha, ce qui sous-entend une dispersion des colons dans la province. En, Gracchus fut assassiné et le parti despopulares remplacé par celui desoptimates, représentants de l’aristocratie romaine ; le mouvement de colonisation subit alors un coup d’arrêt[8].
La province d’Afrique était bordée à l’ouest et au sud par leroyaume numide, organisée après ladeuxième guerre punique par le roi massyleMassinissa, allié deScipion l'Africain. À la mort deMicipsa, fils de Massinissa, une querelle sur sa succession opposa ses filsAdherbal etHiempsal et son neveuJugurtha. Cette querelle déboucha sur uneguerre dans laquelle Rome dut intervenir contre Jugurtha. En une première campagne menée par le consul L. Calpurnius Bestia n’eut que peu d’effet ; ce dernier finit d'ailleurs par conclure un armistice avec Jugurtha[9]. Il fallut en mener une nouvelle campagne contre le roi Numide. C'est le consulMarius et son secondSylla qui, grâce à l’alliance du roimaureBocchus, réussirent à capturer Jugurtha en[9]. La Numidie ne fut pas annexée entièrement à la province. Seul l'est et le sud du royaume, son débouché sur les plaines de laMedjerda et le golfe de lapetite Syrte, furent rattachés à l’ager publicus. La ville deLeptis Magna, située dans cette région, reçut elle le privilège de liberté pour s’être rangée du côté de Rome dans le conflit.
Le Royaume numide proprement dit fut donné à un demi-frère de Jugurtha,Gauda, qui le divisa plus tard entre ses deux fils. À partir de là, il ne fut guère plus qu’un protectorat romain.
Lors de la guerre menée contre Jugurtha le consul Marius, qui devint chef despopulares à Rome, avait engagé dans son armée des « prolétaires », des paysans sans terre. Pour les récompenser de leur fidélité, il fit voter à Rome en une loi attribuant à chaque vétéran252ha de terres. Les auxiliaires recrutés dans le peuple nomade desGétules reçurent aussi ces dons en même temps que la citoyenneté romaine. Les implantations de ces vétérans se firent dans la région du royaume numide récemment annexée, ce qui permettait de consolider la frontière avec les territoires du roi Gauda. L'implantation fut importante, rassemblant de 6 000 à 10 000 personnes. On ne peut toutefois pas y voir une colonisation au sens propre puisqu’aucune colonie ne fut fondée dans ce territoire. Lors de la guerre civile qui opposa les partisans de Marius et ceux de son ancien second Sylla entre et, l’Afrique constitua un bastion pour les marianistes, grâce notamment à la présence de ces vétérans de l’armée de Marius.
En, les marianistes d’Afrique détrônèrent le roi de Numidie orientaleHiempsal II, fils de Gauda, partisan de Sylla. Ils furent vaincus par une alliance regroupant le roi maure Bocchus et le second de Sylla,Pompée et en Hiempsal fut restauré. Les syllaniens lui reconnurent même une juridiction sur les Gétules fait citoyens romains par Marius. En lespopulares empêchèrent le retour dans le giron numide des territoires annexés en, mais il fut reconnu à Hiempsal en l’indépendance de ses terres vis-à-vis de l’ager publicus[10]. Le roi numide est alors un allié desoptimates et des pompéiens, successeurs dans une certaine mesure des syllaniens. La rivalité grandissante entreJules César et Pompée ne manque pas d’avoir des répercussions sur le royaume numide. En, à la mort de Hiempsal, le tribun césarien Curion propose l’annexion de la Numidie orientale[11], ce qui précipite le nouveau roi JubaIer dans le camp pompéien, qui contrôle alors toute la province.
En, une première expédition menée par Curion est défaite par les troupes numides[12]. Lors de la défaite pompéienne dePharsale en[13], les dirigeants du parti pompéien se réfugient en Afrique, où ils forment avec les armées numides une force de plus de 70 000 hommes, dernier obstacle pour César. Ce dernier débarque en avec six légions. Il compte sur l’alliance du roi maure et celle des Gétules, soumis aux Numides depuis En, un Campanien exilé en Maurétanie, P. Sittius, réussit avec l’appui maure à vaincre le roi de Numidie occidentale,Massinissa II, engagé aux côtés de son cousinJuba. Les Numides et les pompéiens sont pris entre deux feux et vaincus dans la plaine deThapsus. Le roi Juba se suicide, de même queCaton d'Utique, le leader pompéien. La victoire de César est donc totale[13].
César réorganise l’Afrique romaine : le royaume de Numidie occidentale est pour moitié annexé par le royaume maure et pour moitié confié à P. Sittius ; le royaume de Numidie orientale est annexé à l’ager publicus et devient une nouvelle province : l’Africa nova ou Afrique nouvelle. Pour la différencier l’ancienne province d’Afrique prend alors le nom d’Africa vetus Afrique ancienne. Dans la droite ligne de la politique de Marius, César reprend la colonisation en Afrique en envoyant des vétérans italiens, mais aussi gaulois voire africains fonder des ports sur la côte africaine. Cette politique lui permet d’installer ses vétérans, mais aussi de contrôler les trajets de cabotage du blé africain, nécessaire au ravitaillement de Rome.
Cette nouvelle organisation est bouleversée par la troisième guerre civile, qui oppose entre44 et les héritiers de César,Octave,Lépide etMarc Antoine, et ses assassins,Brutus etCassius.
Le prince numide Arabion, fils du dernier roi de Numidie occidentale, tente de reconquérir son royaume sur Sittius en Au même moment le gouverneur de l’Afrique nouvelle, T. Sextius, partisan du triumvirat césarien, élimine son homologue d’Afrique ancienne, partisan du Sénat. En, il élimine Arabion et offre au triumvirat une Afrique unie[14].
Cette dernière est confiée en à Lépide[15]. Mais en ce dernier intrigue contre Octave, qui lui confisque ses possessions. Les deux provinces d’Afrique sont désormais gouvernées par un même magistrat, généralement ancienconsul, qui porte le titre deproconsul, d’où le nom d’Afrique proconsulaire que l’on donne à la province unifiée en[16].
Octave, qui porte à partir de le titre d’Auguste[17], qui devient le nom sous lequel il est principalement connu, reprend la politique de colonisation deJules César, mise en sommeil parLépide. La politique d'Auguste consiste à accentuer laromanisation de l’Afrique en structurant la province selon le modèle de la cité, avec une hiérarchie urbaine distinguant les colonies romaines, les municipes et les cités pérégrines.
Auguste fonde notamment un cercle de colonies de droit romain autour deCarthage, mais également dans l'Afrique nouvelle aux confins de laMaurétanie. Ces colonies ont sans doute pour but de renforcer la romanisation de l'Afrique par l'implantation de noyaux citadins fonctionnant sur le modèle romain. La colonie augustéenne la plus importante fut celle deCirta, située à l'intérieur de de la principauté de Sittius qui n'était pas annexée à la province d’Afrique. À l’autre extrémité du territoire romain d'Afrique, la ville nouvelle deCarthage voit ses privilèges augmentés : elle devient capitale de la province, bénéficie d’une exemption fiscale et surtout est dotée d’un territoire étendu, lapertica Carthagensis, semé depagi et decastella, communautés de Romains installés en Afrique mais ne constituant pas des cités.
Au second rang se trouvent les municipes, villes qui reçoivent des privilèges d’administration comparables aux villes d'Italie, sans apport de colons romains. Le statut demunicipe participe donc à la promotion de villes d’origine indigène. Ces villes sont d'abord au nombre de trois, comptées parmi les sept villes libres du moment de la conquête romaine :Hippone,Utique etMusti. Ce statut de municipe leur est accordé parce que ces villes comptent une majorité de citoyens romains dans leur population, majorité issus des installations de vétérans par Marius et César. Leurs institutions, calquées sur celles de Rome, se distinguent de celles des villes indigènes principalement par la présence d’un sénat, aussi appelé curie, et d’assemblées du peuple.
Les membres des curies des municipes et des colonies, lesdécurions, constituent un ordre (ordo), l'ordre décurional, qui a ses privilèges et soncursus honorum :édile,duumvir,duumvir quinquennal (censeur), enfinflamine perpétuel quand on administre leculte impérial. Cette dernière charge est particulière puisqu'elle est exclusivement religieuse. Enfin, lequesteur ne fait pas partie ducursus honorum, c'est plus une corvée. Au moment de leur entrée en charge, les magistrats doivent acquitter unesomme honoraire qui constitue une bonne part du budget de la cité : 38 000 sesterces pour les duumvirs àCarthage, 20 000 àCirta.
Au-dessous, les villes indigènes reçoivent le statut de citéspérégrines, qui leur reconnait une personnalité juridique propre et le pouvoir de s’administrer selon leurs propres coutumes. On y trouve souvent une administration dirigée par deux magistrats appelés lessuffètes, qui semble avoir une origine carthaginoise et se retrouve dans les villes les plus importantes. Nombre de villes de plus petite taille sont dirigées par un conseil de onze membres, appelés lesundecimprimi. Ces cités pérégrines restaient en dehors du droit romain et leurs habitants ne bénéficient pas de la citoyenneté romaine.
Leroyaume de Maurétanie était en droit totalement indépendant de Rome, même si dans les faits les souverains maures devaient composer avec la politique romaine pour conserver leurs États. Cette situation prit fin en quand le roiBocchus II légua son royaume àOctave[18]. Cette cession n’était pas sans ambiguïté politique pour le futurAuguste : se posant en restaurateur des valeurs morales anciennes et respectant en apparence la légalité républicaine, il lui était impossible de devenir roi. Il choisit donc une solution complexe : il donna le royaume à l’ager publicus (c’est-à-dire qu'il en fit la propriété du Peuple Romain), mais y installa un souverain, le prince numideJuba II, fils du dernier roi de Numidie orientale, qui avait été élevé par la sœur d’Auguste,Octavie.Juba II fut marié avecCléopâtre Séléné, fille deMarc Antoine et deCléopâtre. Le nouveau roi, installé sur le trône en[19], devait servir de symbole de l’union de l’Afrique avec la romanité. LaMaurétanie forma donc un royaume distinct de la province d’Afrique proconsulaire jusqu’à la mort dePtolémée le fils deJuba et deCléopâtre en39 ap. J.-C. Dès41, laMaurétanie fut organisée en provinces romaines, Tingitane et Césarienne. Les Maurétanies sont alors desprovinces impériales, alors que la Proconsulaire, dont elles forment en quelque sorte des marches moins romanisées, moins urbanisées, est uneprovince sénatoriale.
La Maurétanie est divisée en deux provinces séparées par une bande littorale de 300 km aux abords de la rivière Moulouya :
Unprocurateur ducénaire (qui gagne 200 000 sesterces par an), nommé par l'empereur, gouvernait ces provinces, avec pour la défendre des unités auxiliaires, divisées enailes de cavalerie et encohortes d'infanterie, souvent composées de cavaliers émésiens.
La défense de ces provinces était assurée, en Maurétanie Tingitane par une quinzaine de forts, notamment postés sur la rivière Sebou, et un mur entre Sala et l'Atlas, au sud, en Maurétanie Césarienne, avec deux routes militaires parallèles au littoral.
La Maurétanie sera aussi réorganisée parDioclétien à la fin duIIIe siècle : laMaurétanie sétifienne est détachée de la Césarienne, tandis que la Maurétanie Tingitane est rattachée à la préfecture d'Espagne.
Deux stèles funéraires aumusée de Chemtou (en Tunisie) portant des inscriptions latines de laIII Augusta
En, Auguste annexa la Numidie orientale ou Afrique neuve à la province d’Afrique ancienne. Ce faisant, il laissa en place de manière permanente une légion, laIII Augusta. Le rôle de cette légion fut d’une grande importance dans l’histoire de la province.
Une cohorte était détachée à Carthage, sous les ordres directs du proconsul, pour assurer la protection et la police de la ville et de lapertica de Carthage. L’armée romaine en Afrique est constituée de la légion, mais aussi d’unités auxiliaires, qui forment la moitié de l’effectif.
Entre37 et41, l’empereurCaligula retire au proconsul d’Afrique le commandement de laIII Augusta[20]. C’est donc la seule légion à ne pas être sous la direction du gouverneur de sa province de résidence puisqu'un légat impérial nommé par l'empereur la commande.
La présence permanente d’une armée en Afrique est rendue nécessaire par l’insécurité que font peser sur la province les tribusgétules du sud de l’Atlas. Entre17 et24, un ancien membre des troupes auxiliaires romaines,Tacfarinas, rassemble autour de lui une confédération tribale, lesMusulames, qui rassemble des Gétules du sud de la Proconsulaire. Il s’allie avec lesCinithiens, peuple berbère installé près de lapetite Syrte, et avec des tribus maures révoltées contre Ptolémée. Il encercle donc les possessions romaines en Afrique. Malgré l’intervention d’une seconde légion, laIX Hispanica, en20 aux côtés de laIII Augusta, Tacfarinas n’est pas défait. Le conflit s’apaise finalement avec la reconnaissance par le proconsul d’Afrique des droits de passage des tribus gétules en territoire romain.
Après les révoltes de Tacfarinas, les armées romaines d'Afrique doivent faire face à l'agitation desNasamons et desGaramantes enTripolitaine, sous lesFlaviens, puis à des révoltes des tribus maures, qui envahissent l'Espagne en passant par la Tingitane en 171.
Durant les guerres civiles des années -80 aux années -40, il est difficile de connaitre les gouverneurs légitimes à cause des différentes factions qui contrôlent la province.
La dynastie desFlaviens relance la politique de promotion du modèle de la cité en Afrique qu’avait suivie Auguste. Cette politique subit toutefois des aménagements qui traduisent la plus grande part accordée à la promotion des cités indigènes.
Tout d’abord on peut remarquer un essoufflement du mouvement de colonisation à proprement parler, c’est-à-dire de fondation de cités dépendantes de Rome par un groupe de citoyens romains, le plus souvent vétérans. La dernière colonie fondée, celle deTimgad l’est en100[25], au moment où lapax romana semble désormais s’étendre à l’Afrique avec l’arrêt des raids de tribus gétules, maures ou sahariennes. Le statut de colonie devient en Afrique un statut purement honorifique qui décore les villes s’étant le plus complètement assimilées au modèle romain.
À l’autre bout de l’échelle des cités, le statut dumunicipe évolue. Les municipes républicains et augustéens étaient des municipes de droit romain, c’est-à-dire des cités organisées institutionnellement sur le modèle de Rome, avec des magistrats, un sénat et des assemblées du peuple, le municipes flaviens sont des municipes de droit latin. Le droit latin remonte aux première phases de l’expansion romaine, il avait été réactivé par César qui avait distingué plusieurs villes enNarbonnaise de ce statut. La principale distinction du droit latin vis-à-vis dudroit romain, c’est le fait que la citoyenneté romaine n’est pas attribuée à toute la population des municipes de droit latin, mais seulement à leurs élites. L’utilisation de ce droit, jusque-là restreint à la Narbonnaise, par les Flaviens révèle la volonté de ceux-ci d’associer les élites indigènes au processus deromanisation.
Une autre innovation est l’utilisation du droit latin délié du statut municipal. En effet le droit latin est concédé à des cités pérégrines modestes où les élites sont trop peu nombreuses pour former un sénat, ce qui les empêche de bénéficier du statut municipal. Ainsi l’association des élites à laRomanitas dépasse le strict cadre des villes importantes.
Une véritable échelle honorifique du statut des villes est ainsi mise en place, la cité pérégrine acquérant ainsi progressivement le droit latin, le municipat, le droit romain et ambition suprême le statut de colonie honoraire. Les différentes cités et leurs élites se lancent ainsi dans une course au statut auprès des empereurs, envoyant notamment des ambassades chargées d’acquérir un statut supplémentaire, témoignage de la réussite de la cité. En effet les villes d’Afrique bénéficient pendant tout le haut-empire d’un contexte économique particulièrement florissant.
L'année 312 constitue un grand tournant dans l’histoire de l’Empire romain et de l’Afrique romaine : c’est la conversion de Constantin le Grand au christianisme[26]. Auparavant, les chrétiens étaient la cible de persécutions périodiques, dues non pas tant à leur qualité de chrétiens qu’à leur refus de participer au culte impérial, par lequel chaque citoyen romain manifeste son appartenance à l’Empire. Après 312, les chrétiens sont théoriquement en position de force, ce qui ne signifie pas la disparition de toutes les autres religions, au contraire. Le christianisme n'a jamais réussi complètement à s’imposer dans les faits à l’ensemble de la population africaine.
La religion desAfricains se compose de plusieurs strates : la strate libyque qui est une survivance des cultes rendus aux dieux des panthéons numides et maures à une époque où de puissants royaumes « berbères » occupaient l’espace des futures provinces africaines. De telles survivances sont avant tout observables dans le milieu rural, ainsi que saint Augustin, évêque d’Hippone, l’atteste dans plusieurs de ses lettres. Quelques-uns de ces dieux sontMacurgum, le guérisseur,Macurtam etIunam, les cavaliers, pour la Numidie et la Proconsulaire, la déesse Aulisia en Maurétanie ; dans cette dernière province, les magistrats romains de l’époque antérieure à la légalisation du christianisme, soucieux de se concilier les dieux locaux, mais ayant des difficultés à prononcer leurs multiples noms, se contentent de les désigner sous le vocable latin deDii Mauri.
La deuxième strate se compose des survivances de la religion punique, c’est-à-dire des dieux honorés par Carthage, avant sa destruction de 146 avant Jésus-Christ. Dans un premier temps, les romains conquérants ont tenté de se rallier ces dieux par le rite de l’evocatio puis, progressivement, ces dieux ont pris un nouveau visage, au contact de la civilisation romaine. Les deux principaux dieux puniques étaientBaal Hammon etTanit, protectrice de Carthage et ils ont été assimilés au Saturne et à la Caelestis romains, par le biais de l’interpretatio romana, terme employé par Tacite dans ses œuvres, qui désigne une sorte desyncrétisme ; tout en ayant trouvé des équivalents romains, ces dieux ont conservé leurs particularités africaines, ce que l’historien Le Glay a parfaitement analysé dans son œuvre maîtresse intituléeSaturne africain. Le temple de Saturne à Thugga, par exemple, prend la forme d’un temple punique. Macurgum et Eshmoun sont associés à Esculape, Melqart à Hercule.
La troisième strate est celle de la religion romaine officielle qui ne s'impose pas par la force mais qui contraint tout de même les habitants de l’Empire ayant acquis la citoyenneté romaine, à adhérer à quelques principes fondamentaux, résumés par l'adoption de latriade capitoline et duculte impérial.
Les cultes orientaux se diffusent rapidement, avec le concours des fonctionnaires, de l’armée surtout et des commerçants romains :Asclépios (Esculape) dès leIIe siècle,Mithra chez les militaires, surtout en Maurétanie,Cybèle, protectrice des Antonins, auIIe siècle, etIsis etSérapis, consacrées par leur apparition sur l'arc de triomphe de Lepcis deSeptime Sévère.
Le culte impérial est organisé par les municipalités : inscriptions, temples, confréries d'affranchis : les collèges desévirs, flamines particuliers ou perpétuels, statues… et au niveau de la province au sein du conseil provincial des sacerdotales qui défend par ailleurs les intérêts de la province, auprès de l’empereur, contre les abus des gouverneurs. Pour le christianisme en Afrique voirl'essor et l'affirmation du christianisme africain.
Carte des routes et des cités de l'est de l'Africa à la fin de l'Antiquité : nouvelle édition de la carte des Voies romaines de l'Afrique du Nord conçue en 1949, d'après les tracés dePierre Salama, sous la dir. de Jehan Desanges,Noël Duval,Claude Lepelley,et. al., Turnhout, Brepols, 2010 (Bibliothèque de l'Antiquité tardive, 17)(ISSN1637-9918)(ISBN978-2-503-51320-1).
↑Jocelyne Nelis-Clément,Les beneficiarii : militaires et administrateurs au service de l'Empire (Ier s. a.C.-VIe s. p.C.), éd. De Boccard, Paris, 2000,p. 63.