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L'affaire Stavisky est unecrise politico-économique française survenue en janvier1934 succédant au suicide, que beaucoup n'ont pas reconnu comme tel[1], d’Alexandre Stavisky.
Ce scandale symbolise la crise d'un régime instable soupçonné decorruption et contribue à la chute dudeuxième gouvernement deCamille Chautemps et au déclenchement desémeutes antiparlementaires du 6 février 1934.
Le[2], sur ordre du sous-préfet Joseph, Gustave Tissier, le directeur duCrédit municipal de Bayonne, est arrêté pourfraude et mise en circulation de fauxbons au porteur pour un montant de 261 millions de francs[3]. L'enquête met rapidement en évidence que Tissier n'est que l'exécutant du fondateur du Crédit communal,Serge Alexandre Stavisky, qui a organisé cette fraude (lui permettant de détourner plus de 200 millions de francs) par lesystème de Ponzi, sous la surveillance complice dudéputé-maire deBayonne,Dominique-Joseph Garat[4] qui, bénéficiant de circonstances atténuantes, est ensuite condamné à deux ans de prison[5]. Stavisky avait été poursuivi pour fraude à plusieurs reprises au cours des années précédentes et relaxé 19 fois. À la suite de cette arrestation et en raison des liens étroits existant entre ces escrocs et des personnalités (voir ci-dessous), le sous-préfet Antelme est démis de ses fonctions[réf. à confirmer].
L'enquête, menée tambour battant notamment parAlbert Prince, chef de la section financière du parquet de Paris, permet de découvrir les nombreuses relations entretenues par l'escroc dans les milieux de lapolice, de lapresse et de lajustice : le députéGaston Bonnaure, le sénateurRené Renoult, leministre des Colonies et ancienministre de la JusticeAlbert Dalimier, les directeurs de journaux Dubarry et Aymard ont profité de ses largesses en échange de leur appui ; le procureur général Pressard, beau-frère duprésident du ConseilCamille Chautemps, a fait en sorte que Stavisky voie son procès indéfiniment reporté. Beaucoup de personnalités ont été du dernier bien avec « le beau Sacha » et comptent sur son silence, de sorte que lorsque la police retrouve Stavisky agonisant dans un chalet deChamonix, le, on se demande à qui le suicide ou le crime (les circonstances de la mort étant mystérieuses) profite le plus. LeCanard enchaîné titre :« Stavisky se suicide d'un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant »[6] ou encore« Stavisky s'est suicidé d'une balle tirée à 3 mètres. Voilà ce que c'est que d'avoir le bras long ». Lessocialistes ayant mis comme condition pour leur soutien au gouvernement la révocation dupréfet de police de ParisJean Chiappe, le radicalÉdouard Daladier, nouveauprésident du Conseil, le démet le, l'accusant notamment d'avoir freiné l'instruction de l'affaire Stavisky[7].
La découverte du corps déchiqueté d'Albert Prince le ne fait que renforcer la polémique, même si les circonstances de sa mort ne sont pas élucidées. L'inspecteurPierre Bonny arrête en effet à tort trois caïds du milieu marseillais (Paul Carbone,François Spirito etGaëtan de Lussats)[8]. En 1944, Bonny« aurait déclaré au matin de son exécution que Prince avait été assassiné parce qu'il détenait des documents compromettants »[9].
Stavisky aurait été couvert par des politiques. De fait, cette affaire a déclenché une grande polémique sur le degré de complicité des parlementaires, polémique comparable auscandale de Panama.
Cependant, selon un historien britannique,Paul Jankowski conclut« qu'il ne faut pas mésestimer la dimension imaginaire de cette affaire », l'impunité dont a longtemps bénéficié Stavisky tenant davantage à l'absence de moyens et à l'engorgement de la justice de l'époque qu'à ses supposées protections, mais il reconnaît que« la puissance de la fonction élective sut mettre un terme aux tressaillements ou timides velléités de la justice » et que « les députés multipliaient les abus de pouvoir, tandis que l'administration sacrifiait son autonomie pour maintenir son rang »[10].
De même, toujours selon ce même historien britannique, Jankowski, la théorie de l'assassinat de Stavisky se heurterait à l'ampleur considérable du complot qu'il aurait fallu mettre en œuvre. Toujours selon lui, « les complicités de Stavisky sont au total plutôt issues des professions libérales. Les politiques n'ont donc pas été aussi impliqués qu'on se l'est imaginé et les élites de laIIIe République, si elles ont été négligentes et ont commis des erreurs, n'ont pas particulièrement failli »[11].
André Tardieu, ancien président du Conseil, relève, en 1936, une coïncidence chronologique étonnante : pendant que l'escroquerie de Stavisky avait lieu, leparti radical-socialiste, à la fois, achète un superbe immeuble place de Valois, à Paris, et supprime le paiement des cotisations de ses adhérents, cotisations qui constituaient, officiellement, la seule ressource financière du parti[12].
En révélant que Stavisky était déjà poursuivi par la justice, poursuites étouffées sur intervention de ministres ou de parlementaires corrompus, l'affaire déclenche unscandale politique. Les adversaires du gouvernement affirment que cette mort profite le plus à la gauche, aux radicaux dont leprésident du Conseil Chautemps. Ils affirment également que Stavisky était lié avec certains parlementaires radicaux, avec le préfet de police,Jean Chiappe, et que son avocat était le propre frère de Chautemps.
L'escroc ayant été retrouvé à Chamonix tué d'une balle de revolver, il n'en fallut pas davantage pour qu'on accusât le gouvernement de l'avoir fait disparaître. L'antiparlementarisme se déchaîne. Dans la rue, les manifestations des « Camelots du roi » se mêlent aux discours, et à laChambre, il y aPhilippe Henriot.André Tardieu publie une liste fantaisiste de parlementaires ayant « touché », qui rappelait les « chéquards » de l'affaire de Panama.Léon Daudet dénonça en Chautemps le chef d'une bande de voleurs et d'assassins. Les adversaires du régime voyaient dans cette affaire une nouvelle preuve de son abaissement. Le scandale saisit le pays, encore plus violent que celui occasionné par l'affaire Hanau ou encore l'affaire Oustric.
Il aboutit à l'émeute du 6 février 1934. Daudet inventa à l'occasion de cette affaire le néologisme de « stavisqueux » pour désigner les complices ou prétendus complices de Stavisky[13]. À l'antiparlementarisme, il faut ajouter un regain de lapropagandeantisémite, en raison du fait que Stavisky était juif. Survenant dans cette atmosphère troublée, la démission du ministreAlbert Dalimier, compromis dans le scandale, ne pouvait qu'entraîner le retrait ducabinet Chautemps tout entier[14].