Le journalisteRobert Barrat participe en à la fondation du Comité d'action des intellectuels contre laguerre d'Algérie[1]. En, il fait forte impression en exposant la situation algérienne à laCommunauté de l’Arche que vient de créerLanza del Vasto àBollène (Vaucluse) et qui est inspirée duchristianisme et de la philosophienon violente deGandhi[2],[3]. En, Robert Barrat, Roland Marin et Maurice Pagat créent, rue du Landy àClichy, le Centre d’information et de coordination pour la défense des libertés et de la paix, qui publie, dans le journalTémoignages et Documents, des informations sur la guerre d'Algérie interdites ou filtrées par la censure[4].
Le, les compagnons de l'ArcheLanza del Vasto, Bernard Gaschard (un ancien engagé dans laGuerre d'Indochine devenu non-violent[5]) et Pierre Parodi lancent deux appels, l'un à la conscience des Français, l'autre aux chefs religieux de l'Islam et aux chefs duFront de libération nationale de l'Algérie, dans lesquels ils dénoncent la torture pratiquée dans les deux camps. Ils jeûnent pendant vingt jours au Centre d’information et de coordination pour la défense des libertés et de la paix[3].
Joseph Pyronnet assiste à une conférence de Lanza del Vasto puis participe au premier camp de lanon-violence qui se réunit à Bollène, du au, pour discuter destortures en Algérie, des luttes non violentes des noirs américains et du danger nucléaire.
Le, quatre-vingt-deux personnes, dont Lanza de Vasto,Robert Barrat, le pasteurAndré Trocmé etJean-Pierre Lanvin manifestent, pour la première fois en France, contre l'armement atomique français en occupant pendant cinq heures l'usine nucléaire deMarcoule qui produit duplutonium pour labombe atomique[6],[7],[3],[8]. À la suite de cela, lePréfet duGard interdit toute manifestation et réunion de la Communauté de l'Arche jusqu'à nouvel ordre[9]. Néanmoins, en, 18 personnes jeûnent 15 jours, près du site de Marcoule[10],[11], d'où les gendarmes les délogent[12], et aux abords duPalais des Nations, àGenève, où se tient une conférence préparatoire à la suspension desessais nucléaires[13],[3].
Un compagnon de l'Arche, Roland Marin qui assure àBollène le secrétariat de l'Action civique non violente (ACNV), lance le journalAction civique non-violente[14] dont le premier numéro paraît à un millier d'exemplaires[7] et qui atteindra un tirage de huit à dix mille exemplaires[15]. L'animateur du mouvement estJoseph Pyronnet.
Des groupes locaux sont constitués. Celui deGrenoble dénonce la torture d'un Algérien dans la ville, il organise un jeûne en et une manifestation qui, le, réunit entre 300 et 400 personnes[16],[3],[17].
L'Action civique non violente fait signer un Appel au Président de la République. « Priver des hommes de leur liberté et de leur travail et exposer ainsi leur famille à la misère matérielle et morale, c’est porter atteinte à la justice et à la dignité humaines[7]. »
Le, soixante personnes manifestent devant le camp militaire du Larzac et devant la sous-préfecture deMillau contre ce qu'ils qualifient de camp de concentration[24]. Sept d'entre eux, se déclarant suspects, demandent à partager le sort des Algériens internés sans jugement[7]. Selon le journalAction civique non-violente, « Il s’agit d’un témoignage de conscience et non d’une manifestation politique »[7]. Du 24 juillet au, quatre personnes dontJoseph Pyronnet s'imposent neuf jours de jeûne àLa Cavalerie pour dénoncer l’existence des camps d’assignation à résidence[25].
Trente volontaires de l'Action civique non violente dontJoseph Pyronnet,Jean-Pierre Lanvin et André Dupont, ditAguigui Mouna, se déclarant suspects, demandent à partager le sort des Algériens internés sans jugement notamment dans le camp du Larzac[7],[26]. Certains des volontaires quittent leur emploi afin d'être disponibles pour cette action[a].Robert Barrat, le pèredominicainPie Raymond Régamey et le pasteurHenri Roser interviennent lors d'une formation du groupe et de ses amis, du 5 au, àGrézieu-la-Varenne, près deLyon[27]. Le, cette session se prolonge par une marche de 200 à 250 personnes dePont-d’Ain vers lecamp de Thol où trente volontaires demandent leur internement[28],[29],[30]. Les manifestants résistent sans violence à la police qui tente de les bloquer puis les transporte en camion loin de là[31],[32],[33]. Les jours suivants, la manifestation est répétée deux fois. Après une nuit au commissariat, les protestataires sont dispersés dans leJura, à 100 ou 120 kilomètres du camp[27],[34].
Le, dans une douzaine de villes, des manifestations rassemblent contre les camps de 15 à 220 personnes[38],[39]. La principale réunit 1 500 non-violents, par principe ou par tactique, qui marchent vers leministère de l'Intérieur[40],[41]. Selon les autorités judiciaires, 629 personnes sont appréhendées. Elles sont emprisonnées jusqu’au lendemain[42].
« Nombreux étaient les jeunes gens, chrétiens, membres du P.S.U., jeunes communistes isolés n'appartenant à aucune organisation, qui nous disaient au cours de cette nuit : « C'est la première fois que nous avons l'impression de faire quelque chose : ni les partis, ni les syndicats, ni les comités n'avaient su nous donner cet espoir et cette satisfaction. » »
Vingt-quatre personnalités qui ont participé à la manifestation non autorisée du 28 mai demandent à être inculpées comme les responsables de l'Action civique non violente qui l'ont organisée. Parmi elles figurent Claude Bourdet, Jean-Marie Domenach, Alfred Kastler, Théodore Monod,Paul Ricœur et Pierre Vidal-Naquet[43].
En décembre 2021, la sous-préfète de l’Ain a inauguré une plaque commémorative ducamp de Thol incluant une citation de Joseph Pyronnet[44].
L'anarchisteAndré Bernard est insoumis et exilé à l'étranger depuis 1956 où il a participé au groupeJeune Résistance. Il rentre en France en 1961 pour lutter avec l'ACNV[47]. Il se laisse arrêter au cours d'une manifestation et subit 21 mois d'incarcération.
L'ACNV réclame pour les réfractaires un service civil en Algérie et, en attendant, organise, avec quelques-uns d'entre eux et des volontaires, des chantiers d'abord enDordogne et en région parisienne[48],[49] puis ailleurs. Les volontaires et les personnes solidaires engagés pour un temps plus ou moins longs sont bénévoles. L'ACNV, financée par les dons et les abonnements au journal, prend en charge la nourriture, les déplacements, les frais de procès et l'aide aux familles[50]. Des déserteurs et des insoumis sont arrêtés sur les chantiers, ce qui déclenche des manifestations de résistance non violente[51],[52]. Un groupe non-violent retarde le départ en train de Pierre Boisgontier arrêté par des gendarmes[53],[54].
Laurent Schwartz préside, avec le soutien du journalTémoignages et documents, une conférence de presse de troisréfractaires à l'armée qui appellent les jeunes à dire « Non, je ne marche plus »[55].
Place Bellecour à Lyon, le, six volontaires de l'ACNV se sont enchainés et déclarent vouloir être traités chacun commeMichel Hanniet
Le, onze hommes s'enchaînent aux grilles du jardin desThermes de Cluny, à Paris, sous la banderole « Pour la paix en Algérie. Jack Muir va en prison. Nous sommes tous Jack Muir ». Selon une technique pratiquée à plusieurs reprises par les non-violents[59], ils déclarent tous à la police être ce réfractaire[60]. N'étant pas munis de leurs papiers d'identité, ils sont inculpés devagabondage et de participation à une manifestation non déclarée[61]. Avec un distributeur de tracts, ils sont incarcérés à laprison de la Santé et deux distributrices le sont à laPetite Roquette[62]. Après dix jours d'interrogatoires et de perquisitions de leurs sympathisants, qui refusent de coopérer, les prisonniers sont identifiés. Ils sont libérés un par un, les derniers après six semaines de détention. Le vrai Jack Muir est attendu à sa sortie par des gendarmes et emmené dans une caserne, emprisonné à Lille et enfin réformé pour « déséquilibre mental » le. En 1962, selon le même scénario, les cinq prétendus insoumis Yves Bel sont incarcérés 52 jours à Nantes[63].
L'objecteur de conscience Henri Cheyrouze est condamné en mars 1960 à dix-huit mois de prison. Après vingt-deux jours de grève de la faim, sa peine est suspendue[64]. En raison d'un nouveau refus de la conscription, il est condamné à deux ans de prison[65]. Il enchaîne les grèves de la faim[66]. Il rejoint l'ACNV et est libéré en 1962. Il part en Suisse avec sa famille puis en Algérie indépendante[67].
Le 25 septembre 1961, une douzaine de personnes, des réfractaires et leurs soutiens dont le pasteurJean Lasserre, jeûnent en faveur de la paix en Algérie, dans le hall de l'Unesco à Paris. Des Montpelliérains les imiteront deux jours plus tard[68].
Des réfractaires emprisonnés subissent parfois des violences comme en témoigne Gilbert Schmitz[69]. Des gradés de la prison militaire deTübingen le déshabillent très brutalement pour le forcer à endosser l'uniforme militaire qu'il refuse. L'intervention de codétenus interrompt son étranglement.
Le, quatre membres de l'Action civique non violente comparaissent devant letribunal de grande instance deCarpentras pourprovocation de militaires à la désobéissance[70],[71]. De nombreux témoins sont cités, dontJean-Marie Domenach et des réfractaires détenus ou non. Hamdani Lakehal-Ayat est algérien et a été interné 54 jours au camp du Larzac. Il déclare : « Je suis différent de ceux qui se sont présentés ici avec les menottes, réfractaires de l'armée française. Moi je suis, grâce à l'Arche et àJo Pyronnet, réfractaire duFront de libération nationale, restant pourtant d'accord sur ses buts[72]. » LeProcureur de la République prononce un réquisitoire qui, selonLe Monde, peut « apparaître comme une apologie pure et simple des inculpés »[73]. Ceux-ci sont néanmoins condamnés à des peines de prison avec sursis[74]. En outre, pour le renvoi de son livret militaire,Joseph Pyronnet est condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, peine confondue avec la première[75]. Pour ne pas financer la force de frappe, il refuse de payer les frais de procès ce qui lui vaut, en 1963, vingt jours decontrainte par corps[76].
À la fin de la guerre d'Algérie, on compte une trentaine de réfractaires au service militaire, soutenus par l'ACNV et condamnés jusqu'à trois ans de prison[77],[78],[79],[80],[81],[82]. René Nazon, objecteur récidiviste, écope même pour la seconde fois de deux ans de prison[83]. Des procès frappent aussi les renvoyeurs delivrets militaires. Par exemple, Claude Michel, qui travaille au secrétariat de l'Action civique non violente deVanves, est condamné en 1961 à six mois de prison avec sursis. Récidiviste, il écope, en 1963, d'une amende de huit mille francs[84]. En 1962, Georges Humbert, récidiviste, voit son amende de six cents francs confirmée. Le procureur ayant fait appel, sa peine est aggravée de six mois de prison avec sursis. Il purge quarante jours de contrainte par corps pour son refus de payer l'amende[85].
Après le vote de la loi sur l'objection de conscience, en décembre 1963, l'Action civique non-violente recueille des dizaines de signatures d'anciens militaires, dont des gradés, qui demandent à bénéficier du statut d'objecteur[89].
En juin 2003, une quarantaine de réfractaires et de personnes solidaires de leur engagement se réunissent enAveyron et décident de témoigner de leurs expériences sur unsite internet et, sous le pseudonyme collectif d'Erica Fraters, anagramme de « Réfractaires », dans des livres. Ils adressent un message aux réfractaires israéliens, lesRefuzniks :
« Ceux d'entre nous qui ont connu la prison pour leur refus de participer à la guerre d'Algérie, et ceux qui les ont soutenus, tiennent à adresser un salut particulièrement fraternel à tous ceux qui refusent, à leurs risques et périls, de servir dans des armées d'occupation, et en particulier aux soldats et officiers de l'armée israélienne actuellement emprisonnés par leur gouvernement pour leur refus d'intervenir militairement dans les territoires occupés. »
↑« Partant du principe qu'on abandonne tout pour aller à la guerre, Joseph Pyronnet décida de tout abandonner pour aller à la paix. »,Jean-Noël Gurgand, « Le témoignage des « non-violents » »,France Observateur,(lire en ligne)
↑Ce comité rassemble 450 personnalités dont l'appel indique notamment : « Nous nous engageons à agir de toutes les façons que nous jugerons bonnes en conscience et dans tous les domaines qui nous sont accessibles pour mettre fin en Afrique du Nord à une guerre qui est une menace contre la République en même temps qu'un crime contre le genre humain. »
↑« Manifestation contre la torture à Grenoble »,Témoignages et documents,no 9,,p. 1(lire en ligne, consulté le)
↑Ordonnance n°58-916 du 7 octobre 1958 relative aux mesures à prendre à l’égard des personnes dangereuse pour la sécurité publique en raison de l’aide qu’elles apportent aux rebelles des départements algériens
↑« Les camps en France »,La Défense, organe du Secours populaire français,,p. 5
↑« Mémoire relatif à la situation des internés du C.A.R.S. de Larzac »,Vérité Liberté,,p. 8(lire en ligne, consulté le)
↑ArthurGrosjean, « Internement, emprisonnement et guerre d’indépendance algérienne en métropole : l’exemple du camp de Thol (1958-1965) »,Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,(ISSN2108-6907,lire en ligne, consulté le)
↑« Le camp d'internement de Thol ? Une bonne adresse pour vos vacances... »,Le Bien public,
↑François Vernier et André Delon, « Pour la suppression des camps de concentration »,Témoignages et documents,no 19,,p. 8(lire en ligne, consulté le)
↑« Pour la suppression des camps de concentration »,Témoignages et documents,no 19,,p. 9(lire en ligne, consulté le)
↑« Disciples de Lanza del Vasto et partisans de la non-violence effectueront une marche de la paix de Pont-d'Ain au camp de Thol où sont internés mille Algériens »,Le Progrès,
↑« Trente personnes demanderont dimanche à être internées au camp de Thol par solidarité avec les détenus administratifs algériens »,Le Monde,
↑« Les apôtres de la non-violence qui jeûnent depuis jeudi ont passé leur nuit dans le recueillement et la méditation. »,Le Progrès,
↑« Les partisans de la non-violence ont l'intention de reprendre lundi leur manifestation devant le camp de Thol »,Le Monde,
↑« La marche silencieuse sur le camp de Thol a été stoppée aux portes de Pont-d'Ain »,Le Progrès,
↑« Journal d'un non-violent »,Témoignage chrétien,
↑« L'action des volontaires et les actions populaires contre les camps à Paris »,Action civique non-violente,no 6, mai et juin 1960,p. 4
↑« C'est à Montpellier, terre de liberté, qu'a pris naissance le mouvement de non-violence »,Midi Libre,
↑Abbé G. Michonneau, « À Vincennes, avec les non-violents »,Témoignage chrétien,
↑« Les « Non-violents » ont manifesté à Vincennes »,Le Monde,
↑« Les compagnons dijonnais de Lanza del Vasto ont manifesté dans le calme »,Le Bien public,
↑Journal n°VIII de l'ANCV, novembre 1960, cité parErica Fraters (préf. Jean-Jacques de Felice, postface de Djaouida Séhili),Réfractaires à la guerre d’Algérie 1959-1962, Paris, Éditions Syllepse,, 224 p.(ISBN978-2849500491),p. 67
↑« Un « non-violent » comparaît jeudi devant les juges militaires de Metz »,Le Monde,
↑« Un médecin et un ingénieur ont comparu devant le Tribunal »,Midi Libre,. Un tract de l'ACNV, sans doute de 1961, liste 19 renvoyeurs de livrets militaires (Fonds Jean-Pierre Lanvin,Observatoire des armements).
↑« Cinq « non-violents » réfractaires au service armé s'enchaînent à un arbre »,Le Dauphiné libéré,
↑Pasteur E. Brayat, Docteur Wintrebert et Docteur Gouget, « Les non-violents montpelliérains observeront aujourd'hui un jeûne de solidarité »,Midi Libre,
Erica Fraters (préf. Jean-Jacques de Felice, postface de Djaouida Séhili),Réfractaires à la guerre d’Algérie 1959-1962, Paris, Éditions Syllepse,, 224 p.(ISBN978-2849500491), fac-simile aux éditions Casbah, Alger
Christian Fiquet, « Témoignage : réfractaires à la guerre d’Algérie avec l’Action civique non violente »,Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique,no 127, 2015En ligne
Michel Auvray,Objecteurs, insoumis, déserteurs : histoire des réfractaires en France, Stock, Paris, 1983
Michel Hanniet,Insoumission et refus d'obéissance : un ancien réfractaire à la guerre d'Algérie passé à la question cinquante ans plus tard, Éditions Les Tilleuls du Square - Gros textes, 122 p.(ISBN9782350823515 et2350823512,OCLC1028975704)
Le courage de refuser, documentaire de Mohamed Ben Said Damak, réalisé en 2005. Le film raconte le parcours et le cheminement personnel de réfractaires de la guerre d'Algérie et de refuzniks israéliens.
ArthurGrosjean, « Internement, emprisonnement et guerre d’indépendance algérienne en métropole : l’exemple du camp de Thol (1958-1965) »,Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,(ISSN2108-6907,lire en ligne, consulté le)