Le termeAcheuléen —prononcé [aʃøleɛ̃] et non [akøleɛ̃] — désigne uneindustrie lithique demode 2 caractéristique duPaléolithique inférieur. Elle apparaît pour la première fois enAfrique de l'Est il y a 1,76 million d'années, et disparaît complètement du paysage archéologique il y a seulement 150 000 ans, tandis que les industries lithiques demode 3 qui lui succèdent émergent en Afrique à partir de 500 000 ansavant le présent, et en Inde vers 385 000 ans AP environ.
L’Acheuléen doit son nom au site deSaint-Acheul, quartier situé à l'est d’Amiens (France), sur lesterrasses de laSomme, où une industrie ancienne à bifaces a été décrite pour la première fois parGabriel de Mortillet en 1872[1].
L’Acheuléen atteint rapidement leMoyen-Orient[12],[13] et l’Inde, et plus tardivement l’Europe[14]. On le trouve au Moyen-Orient (àUbeidiya) il y a 1,4 Ma[15], et en Inde dès 1,5 Ma avant le présent[16].
En Europe, l’Acheuléen succède à l'Oldowayen à partir de 760 000 ans avant le présent[17]. Toutefois, des bifaces ont peut-être été fabriqués il y a environ 850 000 ans enEspagne[18]. Des manifestations rares indiquent l'émergence de telles technologies il y a plus de 700 000 ans dans le bassin méditerranéen (par exemple, à Barranc de la Boella[19],Tarragone, Espagne). Au cours des années 2010, des travaux de terrain ont montré qu'une production élaborée de bifaces est apparue soudainement il y a environ 700 000 ans dans le nord-ouest de l'Europe. Malgré ces nouvelles informations, le moment et les caractéristiques des premières preuves de groupes acheuléens en Europe occidentale sont encore mal connus[20].
Notarchirico, dans le Sud de l'Italie a fourni les premières preuves de la colonisation acheuléenne en Italie. Les découvertes indiquent de manière précise des occupations entre 695 et 670 ka, parallèlement aux sites duMoulin Quignon et de la Noira àBrinay (France)[20].
Le passage de l'Acheuléen aux industries lithiques de mode 3 (Moustérien) est plus ou moins progressif : disparition des bifaces, généralisation dudébitage laminaire, puis dudébitage Levallois, développement et standardisation de l'outillage sur éclat, etc[21]. Les industries du début du Paléolithique moyen comportant encore des bifaces aux côtés d'outils sur éclat sont parfois attribuées à l'Acheuléen supérieur[22].
Les outils caractéristiques de l’Acheuléen sont lesbifaces et leshachereaux :
Les bifaces sont de grands outilsfaçonnés, sculptés progressivement sur leurs deux faces pour rendre aigus les bords proches de leur pointe.
Les hachereaux sont des outils réalisés sur de grandséclats retouchés en préservant un tranchant brut très aigu à une extrémité.
Leur réalisation est considérée par de nombreux auteurs comme un trait culturel fort de l'Acheuléen. L'étude de leur répartition permet de suivre la diffusion de l'Acheuléen depuis l'Afrique jusqu'à l'Eurasie[23].
Ces outils sont parfois associés à desbolas et souvent à de petits outils retouchés sur éclats, qui se généralisent ensuite auPaléolithique moyen.
L'apparition et la diffusion de l'Acheuléen en Afrique sont généralement attribuées àHomo ergaster. AuMoyen-Orient et enInde, les fossiles de cette période sont encore trop peu nombreux pour pouvoir relier industries lithiques et espèces humaines.
L'Homo heidelbergensis (défini à partir de lamandibule de Mauer) est considéré comme à l'origine de changements comportementaux importants, comme le début de la production de biface (mode technologique 2, culture acheuléenne)[20]. Ces premiers groupes acheuléens d'Homo heidelbergensis sont arrivés en Europe il y a environ 1,0–0,7 Ma, et ont été exposés à des conditions environnementales difficiles, qui peuvent avoir stimulé de nouvelles réponses culturelles. Au cours de cette période, appelée révolution duPléistocène moyen, l'Europe du Nord était caractérisée par des conditions climatiques contraignantes, en particulier pendant les stades glaciaires (1,25–0,7 Ma)[20].
Ces nouvelles données démontrent une expansion très rapide des traditions communes en Europe occidentale pendant une période de conditions climatiques très variables, y compris des épisodes interglaciaires et glaciaires, entre 670 et 650 ka. La diversité des outils et des activités observées dans les différents sites montre que l'Europe occidentale était peuplée d'hominidés adaptables pendant cette période[20].
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