Avec 14 jeux (mais toujours sur deux claviers et pédale), l'opus 61 de Martin Rinckenbach compte parmi les "petits modèles" de sa production ; cependant, il y a tout de même un clavier expressif. C'est un "vrai" orgue symphonique, issue de la plus belle tradition du 19ème siècle. L'instrument a été posé en 1898, soit juste après l'officialisation de la collaboration de Martin avec son fils Joseph à la tête de l'entreprise. Une période de changements profonds, et de renouveau. C'est le dernier orgue à transmission mécanique de la maison d'Ammerschwihr parmi ceux qui sont conservés : à partir de 1899, sous l'impulsion de Joseph, tous les orgues Rinckenbach seront munis de transmission pneumatiques, qui rendent possibles des accouplements à l'octave et des aides à la registration. L'esthétique post-romantique était alors en gestation.
Historique
C'est en1898 queMartin Rinckenbach posa à Chavannes son opus 61. Il s'agit du premier orgue du lieu, les inventaires de 1840 et 1892 rapportant qu'il n'y en avait pas. [LR1907] [IHOA] [Barth]
Le grand-orgue regroupe 8 jeux sur les 14, et en comporte deux fois plus que le récit : cela s'explique par le fait que même les petits instruments doivent être dotés du "carré d'or" de fonds de 8' romantiques (normalement un Principal, une Flûte, un Bourdon et une Gambe ; ici il y a un Salicional à la place de la Flûte ouverte), jouxtés d'un Bourdon 16', du Principal 4' et de la Mixture grave. Cela fait déjà 7. Et, en 1898, il était logique de disposer la Trompette - seul anche de l'instrument - au grand-orgue et non au récit.
Comme il été décidé de réaliser un récit expressif (contrairement à localité voisine deBréchaumont l'année précédente), il y a une Voix céleste au récit, et donc le Salicional pour l'adosser. Les deux autres jeux du récit sont logiquement un Bourdon et une Flûte 4'. L'instrument de Chavannes est donc plutôt à rapprocher de celui deFouchy (1896) dans une version un peu plus réduite, alors que celui de Bréchaumont est un héritier de la tradition "récit non expressif" (Lauw,Mussig).
On trouvera sur la page consacrée auxcompositions des orgues Martin Rinckenbach de 1874 à 1898 plus de détails sur ces évolutions.
Finalement, l'instrument a été réalisé avec trois chapes de pédale. Le troisième jeu, à l'avant, devait être un Violoncelle 8'. Il a probablement été posé, car la chape a été percée. Ce jeu - s'il a existé - a toutefois disparu depuis. [Visite]
Il y eut un entretien, en1979, parChristian Guerrier. [IHOA]
Le buffet
Le style d'ornementation du buffet s'approche beaucoup de celui deSt-Louis-Bourgfelden, mais ici, la tourelle centrale est plus basse, et les plates-faces simples. SI le dessin général est constitué de trois tourelles encadrant deux plates-faces, la tourelle centrale n'est pas en avant (comme les latérale) et il s'agit plutôt d'un élément central constitués des plates-face et de la tourelle. Les couronnement sont constitués de frises ajourées, et le chevron central est surmonté d'une croix.
La ceinture du buffet est constituée d'une frise géométrique de losanges biseautés (en fait, de petits prismes). L'inspiration semble voisine de la frise deKingersheim (1891), mais là-bas les prismes sont obliques.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux noirs munis de porcelaines. Le nom des jeux figure en noir pour le grand-orgue, en bleu pour la pédale, et en rouge pour le récit. Claviers blancs, joues rectangulaires.
Commande des tirasses et de l'accouplement par pédales-cuillers à accrocher, disposées de part et d'autre de la console, et repérées par des porcelaines rondes placées en haut de la console, au niveau de la plaque d'adresse : à gauche "Koppel II.ped." (II/P) puis "Koppel I.ped." (I/P), et à droite "Koppel IIaI.". Plus à droite, la pédale-cuiller de l'expression du récit, qui n'a donc que deux positions. Elle est repérée comme les accouplements, par une porcelaine ronde "Expression".
Plaque d'adresse disposée en haut et au centre, au-dessus du second clavier. Le bois y est teinté plus foncé, et les lettres incrustées disent :
Le mot "Ammerschweier" ondule entre les deux lignes du bas. Les initiales de Martin et Joseph attestent de l'importance prise par Joseph, fils de Martin, dans l'entreprise. Il n'y a pas de numéro d'opus.
DepuisPhalsbourg (1896), Rinckenbach "personnalise" ses plaques d'adresses, en jouant sur le cadre : ici, comme àPhalsbourg,Eichhoffen,Niedernai ouRichwiller, ce sont des coins arrondis convexes, àBréchaumont et àSt-Amarin ce sont de petits carrés débordants, centrés sur les angles, idem àHoussen, mais là ils sont accompagnés de motifs sur les côtés. Cette habitude disparaît en 1899 (Hipsheim).
Mécanique à équerres.
A gravures, d'origine.
Bien que très empoussiérée, la tuyauterie est visiblement de très grande qualité. Il y a des entailles de timbre pour les jeux ouverts, et des calottes mobiles pour les Bourdons. Biseaux munis de dents.
L'instrument semble entièrement authentique, et possède donc une importance historique considérable. Il reste à éclaircir le mystère du Violoncelle de pédale. Après un bon relevage (l'orgue est aujourd'hui très empoussiéré), il ne fait aucun doute que cet instrument serait d'une qualité exceptionnelle.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Luc Dangel.
Photos du 22/06/2019.
"Schaffnatt a. W. 14"
Localisation :