(et la réception des ouvrages de Nostradamus en Espagne)
Le comte Bartholomäus Khevenhüller de Frankenburg, issu d'une famillenoble de confession protestante et fils d'Augustinet d'Elisabeth von Welzer, est né à Villach en Autriche le21 août 1539 vers minuit (ou le 22 un peu après minuit) etdécède à 74 ans le 16 août 1613 (Bernhard Czerwenka,DieKhevenhüller, Wien, Wilhelm Braumüller, 1867,p. 118 et 625 ; Johann Josef Khevenhüller-Metsch,Aus der ZeitMaria Theresias, Wien, Adolf Holzhausen, 1907, pp. 22 et 25). Unebonne partie de l'ouvrage de Czerwenka, consacréà la famille des Khevenhüller, retrace le journal de voyagede Bartholomäus d'après un manuscrit queje n'ai pas réussi à localiser (Czerwenka, p.116-350 ; cf. aussi MalcolmLetts (Notes and Queries, London, vol. 12.1, 1916, pp.181-184).
Le 15 juin 1557, deux mois après le décès de sonpère, le jeune Bartholomäus Khevenhüller entreprend un voyage à traversla France (Lyon, Orléans, Paris où il loge à la RoseBlanche dans le faubourg St. Jacques le 24 décembre, Blois, Angers,Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Toulouse en août 1559, Bayonne, etc),avant de passer la frontière espagnole. A Compostelle, il est interrogépar l'Inquisition espagnole sur ses convictions religieuses, et certainsde ses ouvrages sont confisqués le 12 novembre 1559, dont les pronosticationsfigurant dans un almanach de Nostradamus et qui en sont arrachées : "meinCalender dess Nostradamus schnitt der Doctor die Prognostication heraus"(Czerwenka, p.153). Il s'agit peut-être de la version lyonnaise del'almanach pour l'an 1560 qui venait de sortir (privilège datédu 17 octobre 1559 et accordé aux imprimeurs lyonnais Brotot etVolant : cf.CN 95), et qu'ilse serait procuré en Espagne car début septembre il avait déjà passéles Pyrénées, ou encore d'une version de l'almanach de l'année précédente.
Khevenhüller reprend son périple en Espagne et au Portugalavant de repasser la frontière : il atteint Narbonne le 19 marsau soir. Le 20 avril 1560 il passe par Salon où il rend visite àNostradamus et s'entretient avec lui de beaucoup de choses, mais dont luiou plus vraisemblablement Czerwenka ne veut rien nous apprendre ("und unterredetensich mit ihm über allerlei Dinge", Czerwenka, p.177). Khevenhüllerest de retour à Villach le 23 mars 1562 après un séjour en Italie et en Palestine.
Outre la confirmation de la notoriété européennede Nostradamus à cette date, laquelle incite le jeune autrichienà faire un détour par Salon, le récit nous renseignesur la réception des publications de Nostradamus en Espagne. Sousle règne de Philippe II, les oeuvres du provençal se rangentaux côtés des écrits censurés d'inspirationprotestante. Il n'est pas étonnant qu'on n'ait encore retrouvéaucune des premières publications nostradamiennes dans les bibliothèquesactuelles de la péninsule ibérique.
Il existe par ailleurs bien peu de documents attestant de la réception desoeuvres nostradamiennes en Espagne, hormis quelques documents diplomatiquesdéjà signalés et sur lesquels je reviendrai. Je n'ai retrouvé pour l'heure quedeux pronostications tardives, inconnues des spécialistes.
111A
par Bartolomé Antist, Valencia, Pedro de Huete, 1580On y trouve une citation de l'Almanach pour l'an 1564de Nostradamus, un opuscule perdu mais dont Chavigny a consignéquelques extraits dans sonRecueil de 1589, difficilement lisibledans l'état actuel du manuscrit conservé à Lyon :
"Ni tengo lugar de averiguar, lo que Nostradamus a lo que parecede autoridad de Thebit, en el Pronóstico del año 1564, afirmaque causa grandes alteraciones, y mudanças en el mundo, la distanciaque ay entre las cabeças de los dos Arietes, de la octava y nonasphera, y que su conjunción promete quietud y paz universal, qualla huvo quando se cerro el templo de Iano, hallándose en tal posición,al tiempo que Christo nuestro Redemptor nació." (f.B1v).
"Je n'ai pas l'occasion de vérifier, ce que Nostradamus affirmesemble-t-il d'après l'autorité de Thebit, dans laPronosticationpour l'an 1564, à savoir qu'il y aura de grands bouleversementset mutations dans le monde, (en raison de) la distance entre les têtesdes deux béliers, de la huitième et neuvième sphère,et que leur conjonction promet la quiétude et la paix universelle,qui a eu lieu quand s'est refermé le temple de Janus, étanten cette configuration au temps de la naissance de notre rédempteur Jésus Christ."
Ce passage mentionné par l'astrologue valencien Antist se retrouveaux présages de l'année 1564 dans une précieuse traductionitalienne de l'opuscule, lePronostico et lunario de l'anno bissestile1564 (Florence, Giorgio Marescotti nel Garbo, 1564, f.A3r.) : "tuttie casi sinistri dipendono dalla distanza di questi duoi capi d'ariete,quali sono a VIII & IX globo (...)Et per i longhi calculi fatticon giudicio sicuro & necessario, si trova che del tempo, del nostrosalvatore ..." Letexte d'Antist n'est qu'un résumé rapporté, car "il templo de Iano"ne figure qu'une dizaine de lignes plus bas dans la version italienne (cf.CN 221).
111B
Compuesto por el Maestro Juan de Mestredamus Astrologo y Filosofo natural
Sevilla, Simon Faxardo, 1625, 8 ff.
° BU Sevilla: A Res.23/6/02(3)Le texte est supposé composé par un Juan deMestredamus[sic] qui l'aurait adressé à Louis XIII, et supposétraduit par un certain docteur don Pedro de Espinosa. La traduction, datéedu 15 décembre 1624 de Pampelune, est dédiée àl'infant Charles d'Autriche. Le texte indique queMestradamus [qui change de nom]et son fils [probablement l'imposteur Mi. de Nostradamus] auraient prédit depuis longtempsdéjà "la destruicion de los luteranos" et que le "nouveau prophète"prédirait dans cet opuscule celle de toute la Barbarie. Cette pronosticationest un texte maladroitement satirique de peu de valeur, d'autant plus qu'ilest tardif. La suite de l'opuscule laisse entendre la nature des propos,au recto du feuillet A2 : "Las primeras [sic]a 19, 21 y 22 deFebrero" (à l'annonce des quatre saisons : les "premières"(primeras) pour printemps (primavera), ou en A4r : "Enerotiene 31 dias y la Luna 30 " ! etc. Son seul intérêt résidedans la découverte d'une nouvelle déformation du surnom del'astrophile provençal, dont la renommée s'établit décidément par-delà les frontièreset les siècles, mais ici pour le pire.
111C
Compuesto por Henrrico Martinez Cosmographo de su Magestad e Interprete del Sancto Officio deste Reyno
Mexico (emprenta del autor), 1606, in-4, 396 p.
° BN Madrid: R/3135 y R/9548 ;BUC MadridNostradamus est connu dans le nouveau monde dès 1606. Au chapitre 7 du livre 5 de son fameuxRepertorio de los tiemposEnrico Martínez (ca. 1550-1632) écrit que Gaurico et Nostradamus ont prédit la chute de l'empire turc depuis des années (p.213).
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http://cura.free.fr/dico4ti/906kheven.html
21-06-2009 ; updated 20-06-2018
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