AccueilNuméros138LIVRES LUSRoland Saussac, L’École centrale ...
Roland Saussac,L’École centrale du département de la Loire à Roanne (1796-1803), Roanne, Thoba’s éditions, 2017, 114 p. ;Collèges de Lyon, Institut de Lyon, École centrale du département du Rhône (1789-1803), Brignais, Édition des Traboules, 2004, 337 p., 29 €.
1On sait qu’entre la suppression des collèges tenus par les congrégations en août 1792 et la création des lycées impériaux, il exista pendant moins de dix ans ce qu’on a appelé des « écoles centrales », qui dispensaient l’enseignement secondaire dans chaque département, pas toujours au chef-lieu. Un peu dans l’esprit du rapport de Condorcet sur l’instruction publique (mais avec une ambition moindre), elles sont créées par la loi Lakanal du 7 ventôse an III (25 février 1795) et organisées par la loi Daunou du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795). La suppression de ces écoles, mal jugées par Bonaparte, est décidée par la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802), mais elles fonctionnent encore quelque temps, en attendant la mise en place des lycées (beaucoup moins nombreux, seulement quarante dans toute la France).
2Roland Saussac, qui a étudié celle du Rhône dans un ouvrage de 2004, vient maintenant d’examiner minutieusement celle de la Loire. Rappelons que, suite à l’insurrection lyonnaise de 1793, le département originel de Rhône-et-Loire a été scindé en deux. La préfecture de la Loire a été d’abord fixée à Feurs, puis à Montbrison. Elle sera transférée à Saint-Étienne en 1854. Ce département, quant à sa forme, est plutôt en longueur ; Saint-Étienne, qui est au sud, est encore une petite ville, l’auteur explique pourquoi l’école centrale a été installée à Roanne, qui est au nord, et n’a pas vraiment rayonné sur tout le département. Avant cela, il expose la situation de l’enseignement secondaire dans la période intermédiaire des premières années de la Révolution. Il étudie soigneusement les professeurs, les élèves (il en donne la liste avec une petite notice pour chacun), mais aussi le fonctionnement, y compris financier, et les affaires marquantes. Tout cela s’appuie sur les dépouillements des archives nationales, départementales, municipales et sur d’autres sources complémentaires. L’ouvrage comporte des annexes (règlements, etc.) et des illustrations assez nombreuses.
3Passons au Rhône. L’école centrale de la Loire avait été peu étudiée, celle du Rhône avait donné lieu à des travaux plus nombreux, mais aucun n’était aussi fouillé, n’avait fait appel à autant de sources éparpillées que celui de Roland Saussac de 2004. C’est une référence très précieuse pour tous ceux qui voudront se pencher, non seulement sur l’enseignement, mais plus généralement sur la vie intellectuelle de cette période. Malheureusement, l’ouvrage est desservi par un travail défectueux de l’éditeur qui n’a même pas inséré de sommaire ! En voici donc unersatz. Le livre comporte deux parties et des annexes parfois insérées sans prévenir au milieu du livre. La première partie (p. 17-107) est consacrée à la suppression des collèges (chap. 1), puis à l’expérience de l’Institut des sciences et arts utiles à la société de Lyon (chap. 2), la seconde (en cinq chapitres) à l’école centrale elle-même (p. 109-239). Originales sont les listes d’élèves et de professeurs avec de petites notices biographiques pour chacun (p. 51-62, 226-228 et 245-298). Bien entendu, elles ne prétendent pas à l’exhaustivité, comme l’auteur le dit lui-même. On regrettera l’absence d’index.
4Ces études, qui ne nous cachent pas les petites affaires, les querelles et mesquineries de gens moyens, la vie quotidienne des restrictions de crédits, les « guéguerres » entre villes voisines, nous font toucher du doigt la difficulté de remettre en place un système d’enseignement cohérent et efficace. Dans les deux ouvrages, l’auteur n’élude pas la période difficile de chute des collèges d’Ancien Régime, ni les efforts, souvent municipaux, pour réinstaller tant bien que mal un enseignement secondaire, en attendant que des lois claires et cohérentes ne créent un cadre national et opérationnel. En résumé, ces deux livres constituent une mine d’informations sur cette période trouble et apportent une contribution très utile à l’histoire (nécessairement collective) de l’instruction et de l’éducation de 1789 à 1804.
5Parmi les chapitres originaux de ces deux ouvrages, nous relèverons en particulier celui sur l’Institut des sciences et arts utiles de Lyon (p. 65-85 de celui de 2004). Comme cela est le cas dans d’autres villes, il s’inspire du rapport de Condorcet sur l’instruction publique, lu à la l’Assemblée législative les 20 et 21 avril 1792, mis en attente en raison de la déclaration de guerre, puis discuté et finalement abandonné sous la Convention. Dans ce projet présenté le 13 octobre 1792, on constate la tension entre une instruction destinée à un public assez large de jeunes gens et un enseignement plus élitiste ouvrant sur ce que nous appellerions « la recherche ou la formation d’une bourgeoisie de talents ». L’expérience lyonnaise est assez originale et particulière pour trois raisons : l’implication de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts (supprimée en août 1793) et de ses académiciens ; la volonté des savants et gens de lettres lyonnais de combler l’absence séculaire d’université à Lyon et le refus du rapport Condorcet d’en créer une en cette ville ; l’extrême difficulté, voire l’impossibilité, de mener à bien le projet en raison du climat de quasi-guerre civile qui se détériore rapidement dans la ville.
PierreCrépel,« Roland Saussac,L’École centrale du département de la Loire à Roanne (1796-1803) ;Collèges de Lyon, Institut de Lyon, École centrale du département du Rhône (1789-1803) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 138 | 2018, mis en ligne le16 août 2018, consulté le30 mai 2025.URL : http://journals.openedition.org/chrhc/6576 ;DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.6576
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