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UN CERTAIN REGARD

Plaire, aimer et courir vite, film de Christophe Honoré, 2018, 132 min.

ThierryPastorello
p. 203-206

Texte intégral

1Arthur rencontre Jacques, ce dernier est atteint par le VIH. Le contexte est celui des années 1990 : le VIH fait des ravages dans la communauté gay. Le cinéaste Christophe Honoré, dans plusieurs de ses films, explore le sentiment amoureux à travers des situations diverses. Ici, il choisit de traiter du sentiment amoureux avec pour toile de fond le VIH. La trame est construite autour de la relation de Jacques, écrivain parisien, et Arthur, étudiant à Rennes.

  • 1 Dans une enquête menée en France en 1998 sur les comportements sexuels et le sida, près de la moiti(...)
  • 2 Dans la même enquête, à la question « Je veux vivre le présent ? », 52,6 % des hommes répondaient p(...)

2Cette histoire romanesque sur fond des « années sida » met en scène plusieurs personnages marquants et attachants. Les deux principaux sont Jacques (Pierre Deladonchamps) et Arthur (Vincent Lacoste). Jacques est écrivain. Il est séropositif, sous traitement, et vit avec son fils. Il habite aussi près d’un ami, Mathieu, incarné par Denis Podalydès. Le personnage de Mathieu est plein de tendresse et en même temps avec un côté grognon. Il pose le problème de la solitude de certains homosexuels, lorsque la jeunesse disparaît progressivement. Ceci semble particulièrement le cas lorsqu’il a recours au service d’un prostitué masculin. Jacques rencontre Arthur, jeune étudiant, lors d’un séjour à Rennes. Par ailleurs, Jacques semble héberger un ancien amant, Marco (Thomas Gonzales). Marco est très affaibli par la maladie, dont les signes sont visibles comme des stigmates. Il sera emporté par son mal. La proximité de la mort le rend tout à la fois désabusé et cynique. La scène dans la baignoire est assez similaire à certaines scènes du film120 battements par minute, quand l’un des principaux acteurs est gagné par le mal. Le personnage d’Arthur est touchant par sa sensibilité, sa spontanéité et parfois son côté légèrement effronté. Cependant, tout au long du film, il devient de plus en plus amoureux. Il est précisément, des deux, celui qui semble le plus certain de son engagement amoureux. La scène où il s’introduit dans l’hôtel où réside Jacques, est un moment savoureux. Il y a tout à la fois de la drôlerie, et de la tendresse, de la sensibilité. Il semble que Jacques refusait l’entrée de sa chambre, tout en la souhaitant secrètement. Très touchante, la scène à l’hôpital, où Arthur essaie de redonner de la joie à son ami en faisant un show. Au début, et tout au long de la relation avec Jacques, Arthur a une relation avec une jeune femme, Nadine (Adèle Wismes). Cette compagne apparaît dans le film plusieurs fois. C’est aussi un personnage attachant par sa jeunesse, par sa capacité à bousculer son ami, notamment lorsqu’il drague dans la voiture, en sa présence, un garçon qu’il a pris en autostop, avec qui il finira par faire l’amour. Ce film fait preuve d’un grand réalisme dans sa description du milieu gay, notamment des lieux de drague. On pourrait ici faire un parallèle avec le contexte du filmL’inconnu du lac, d’Alain Guiraudie. Il y a dans les deux cas un réalisme sans jugement, un désir de montrer simplement la drague homosexuelle dans certains lieux, le soir ou la nuit. À remarquer aussi, l’amant occasionnel de Jacques, Pierre (Clément Métayer), assez effronté, qui joue parfois au loubard, aimant volontiers bousculer son amant au cours d’un jeu. À travers ces relations amoureuses parallèles de Jacques, nous avons parfois l’impression d’avoir affaire à des sentiments plus ou moins poly-amoureux1. Les rencontres, les jeux de séduction sont montrés avec réalisme, mais sans aucun voyeurisme. Ces hommes sont simplement animés d’une volonté de vivre le présent avec intensité2.

  • 3 Philippe Mangeot, « Sida », dans Louis Georges Tin (dir.), Dictionnaire de l’homophobie, Paris, PUF(...)
  • 4 Cyril Collard meurt du sida en 1993, âgé de 35 ans.
  • 5 <http://www.unaids.org/fr/resources/fact-sheet>.

3Cependant, tout au long du film, ce qui rythme cette histoire d’amour est la présence du VIH. Le sida est très présent, car Pierre est sous traitement. Les consultations, les séances à l’hôpital sont extrêmement prégnantes. Les consultations médicales, les salles d’hôpitaux ou de radiologie, rappellent le poids de la maladie, menace réelle et permanente. Il représente un étiquetage difficile à assumer, car synonyme de vie dépravée, et la difficulté à assumer cette maladie se ressent tout au long du film3. Il en est de même pour les « maladies opportunistes » que le VIH peut favoriser : Jacques contracte un cytomégalovirus. La maladie indique comme une échéance à cette histoire d’amour. D’ailleurs, on a parfois l’impression que le sexe permet à Jacques de se rassurer, de se sentir toujours en vie. Dans la première partie des années 1990, le sida est toujours une maladie mortelle, jusqu’à l’apparition des trithéraphies en 1996. La cinématographie du sida au cours de ces années montre toujours avec insistance la mort rôdant autour des malades. Nous pouvons citer d’autres films relatant ce que furent ces années pour la communauté gay :Les nuits fauves, de Cyril Collard (1992)4, ouPhiladelphia (1993), où le rôle principal est tenu par Tom Hanks. Cette épidémie est encore perçue par une certaine opinion comme un « cancer gay », avec l’idée toujours présente d’une « population à risque ». Pourtant, si l’apparition des thritérapies a tendance à faire du VIH une maladie chronique, l’inégalité dans l’accès aux traitements fait que dans certains pays du tiers monde, la pandémie fait encore des ravages5. De ce point de vue, le film de Christophe Honoré est d’un parfait réalisme. Il montre, à travers le cas de Pierre, la lourdeur des traitements, leurs aspects négatifs, voire invalidants sur la santé, les conditions de vie des personnes concernées, les adaptations inévitables que durent accepter les homosexuels masculins face à la pandémie.

  • 6 Voir Christophe Broqua, France Lert, Yves Souteyrand (dir.),Homosexualités au temps du sida : tens(...)
  • 7 Philippe Mangeot,op. cit., p. 373.
  • 8Thierry Pastorello,« 120 battements par minute », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n(...)

4Mais « les années les plus sombres du sida furent aussi l’époque de la visibilité et de formidables bouleversements dans la vie affective et sociale. Les homosexuels masculins ont su réagir et s’imposer dans le débat public jusqu’à la reconnaissance du couple homosexuel6 ». De cette façon, le sida aurait contribué à un recul de l’homophobie7. Finalement, ce film montre le sida et ses conséquences sur la vie d’homosexuels seuls, ou en couple, depuis l’intérieur du monde homosexuel. Il ne laisse pas entrevoir les relents d’homophobie, ni l’aspect social du problème, comme le fait Robin Campillo avec son film120 battements par minute8. Il traite simplement du VIH dans la vie intime, non de la pandémie et de ses implications dans la vie dans la cité.

5Le film de Christophe Honoré évoque la relation entre sentiments, intimité et sida au cours des années 1990. Mais la pandémie conditionne forcément les sentiments ; elle donne une échéance à une possible relation amoureuse. La vie devient d’autant plus précieuse et l’appétit de vivre d’autant plus présent lorsque l’on est conscient qu’elle peut s’interrompre à moyen terme. Les personnages, et notamment les deux principaux, sont attachants par leur appétit de vie. De ce point de vue, ce film est une belle leçon d’humanité, un appel à la tolérance et à l’empathie, bienvenus dans une époque où ces valeurs s’affaiblissent de manière inquiétante.

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Notes

1 Dans une enquête menée en France en 1998 sur les comportements sexuels et le sida, près de la moitié des personnes interrogées (48 %) répondent que l’on peut être amoureux de plusieurs personnes en même temps. VoirComportements sexuels et sida en France : données de l’enquête analyse des comportements sexuels en France, Paris, INSERM, 1998, p. 124.

2 Dans la même enquête, à la question « Je veux vivre le présent ? », 52,6 % des hommes répondaient par l’affirmative.Ibidem, p. 135.

3 Philippe Mangeot, « Sida », dans Louis Georges Tin (dir.), Dictionnaire de l’homophobie, Paris, PUF, 2003, p. 373-378.

4 Cyril Collard meurt du sida en 1993, âgé de 35 ans.

5 <http://www.unaids.org/fr/resources/fact-sheet>.

6 Voir Christophe Broqua, France Lert, Yves Souteyrand (dir.),Homosexualités au temps du sida : tensions sociales et identitaires, Paris, ANRS, 2003, p. 36.

7 Philippe Mangeot,op. cit., p. 373.

8Thierry Pastorello,« 120 battements par minute », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 137, 2018, p. 183-188

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Pour citer cet article

Référence papier

ThierryPastorello,« Plaire, aimer et courir vite, film de Christophe Honoré, 2018, 132 min. »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 142 | 2019, 203-206.

Référence électronique

ThierryPastorello,« Plaire, aimer et courir vite, film de Christophe Honoré, 2018, 132 min. »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 142 | 2019, mis en ligne le01 juillet 2019, consulté le19 avril 2025.URL : http://journals.openedition.org/chrhc/11201 ;DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.11201

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Auteur

ThierryPastorello

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