Presses universitaires de Rennes
Informations sur la couverture
Table des matières
Liens vers le livre
Informations sur la couverture
Table des matières
Formats de lecture

Images du roi en Égypte pharaonique

Jean-Louis Podvin

p. 63-71


Texte intégral

« L’an 30, le troisième mois de l’inondation, le 7e jour, le dieu entra dans l’horizon, le roi de Haute et Basse Égypte, Séhétepibrê ; il fut enlevé au ciel et ainsi se trouva uni avec le disque solaire, et le corps du dieu s’absorba en celui qui l’avait créé1. »

1C’est ainsi que le conte de Sinouhé, célèbre récit connu par des papyri et des ostraca de laxiie à laxxe dynastie, relate la mort du roi Amenemhat Ier, au début du Moyen Empire. Ce texte nous offre d’emblée une image du souverain, celle d’un faucon divin, mais elle est loin d’être unique.

2Comment évolue cette apparence ? Les changements sont-ils dus à une époque, à un règne particulier, et comment se ressentent-ils dans l’art ? D’autre part, comment ces images sont-elles perçues par les populations auxquelles elles s’adressent ?

3Nous n’étudierons ici que quelques images caractéristiques, compte tenu de la très longue durée de l’histoire de la civilisation de l’Égypte pharaonique. À l’instar des divinités auxquelles il est intimement lié, le monarque apparaît sous des formes multiples, qu’elles soient animales ou humaines. Nous les aborderons successivement. Les attributs qui le caractérisent et la taille qu’il affecte sont autant d’éléments qui le distinguent du simple mortel. Enfin les actes qu’il accomplit lui sont spécifiques et font de lui un être hors norme.

L’image zoomorphe du roi

Une réalité dès l’époque prédynastique

4Dès les premiers documents iconographiques remontant à la fin de l’époque prédynastique, le roi est figuré sous une forme animale. Sur la palette dite « de la fondation des villes », en raison de la présence d’enceintes crénelées sur une des faces, plusieurs animaux sont placés au-dessus de celles-ci, armés d’une houe symbolisant l’acte de fondation. C’est le roi qui est suggéré, que ce soit par le biais du faucon, du scorpion ou du lion. Sur une des faces d’une autre palette bien connue, celle de Narmer, le roi coiffé de la couronne de Basse-Égypte défile derrière ses porte-étendards, alors que, dans la partie inférieure, un taureau qui le symbolise piétine un ennemi à terre2. Sur la palette au taureau, le même animal bouscule à nouveau un ennemi sur chaque face3. Sur celle aux vautours, c’est le lion qui écrase des ennemis (libyens ?)4.

Qui persiste au Nouvel Empire

5Ces images zoomorphes ne se réduisent pas aux périodes les plus lointaines des environs de 3200 ans avant n. è., on les retrouve par exemple au début du Nouvel Empire, vers 1550. Sur une dague d’Ahmosis, le roi figure comme un lion poursuivant un taureau, devant quatre sauterelles symbolisant ses quatre corps d’armée5. C’est dire que le souverain peut tout aussi bien être représenté par un animal réel que par un animal mythique.

6Ces images ne sont pas seulement véhiculées par le biais de l’iconographie : on les retrouve aussi dans la littérature de l’époque. Ainsi, un texte faisant référence à la reine Hatchepsout indique successivement qu’elle est un taureau sauvage, un faucon qui plane sur les pays, un chacal au pas rapide, et même un crocodile furieux sans que ces comparaisons masculines paraissent poser le moindre problème6.

7Le grand Ramsès aime aussi à rappeler qu’il est un lion. Sur un ostracon ramesside de Deir el-Médineh, c’est ainsi un lion qui tient dans sa gueule la tête d’un ennemi. Les titulatures royales font souvent référence aux animaux, et celle de Ramsès II n’est pas en reste, qui fixe comme premier de ses noms celui de « taureau puissant », image que l’on retrouve par exemple sur la stèle de Kouban lorsqu’il combat des rebelles de Kouch (Nubie) : « Le taureau puissant contre Kouch la vile, assommant les rebelles aussi loin que le pays des noirs. Ses sabots ébranlent les troglodytes, et ses cornes7… » Lors de la bataille de Kadech, il est comparé successivement à un griffon, puis à un taureau prêt à en découdre et à un faucon qui fond sur sa proie8. Plus tard, une stèle de l’an 18, retrouvée en Palestine, place dans la bouche d’Amon les propos suivants :

« Je fais qu’ils voient Ta Majesté comme un taureau à l’éternelle jeunesse, au cœur ferme, aux cornes acérées, que l’on n’a pu attaquer. Je fais qu’ils voient Ta Majesté comme un crocodile, seigneur de la terreur sur le rivage et qu’on ne peut approcher9. »

8Paradoxalement, lors de la bataille de Kadech, Ramsès dit : « à cause de moi, ils [les Hittites] plongent dans l’eau comme plongent les crocodiles10 » !

9Faucon placé derrière la tête de Khephren qu’il protège en se mêlant à son némès sur la statue en diorite du souverain, le roi est parfois encore représenté en faucon à tête humaine sur un jaspe thoutmoside11 ou, aux époques tardives, sur une stèle de la Glyptothèque Ny Carlsberg à Copenhague, où le même faucon à tête humaine écrase un ennemi12.

10Le souverain porte également une queue de félin à sa ceinture, qui descend de ses reins jusqu’à proximité du sol, et qui semble plus une réminiscence d’un trophée de chasse (la chasse aux lions fait partie des activités favorites des pharaons) qu’un élément zoomorphe qui subsisterait des temps antérieurs.

Le cas particulier des animaux mythiques

11Sur la hache cérémonielle d’Ahmosis, au début de laxviiie dynastie, le roi est représenté d’un côté comme un griffon, et de l’autre comme un sphinx à corps de lion et tête humaine13. L’apparence en tant que sphinx est très fréquente aux époques tardives, mais on la retrouve bien avant, dès laive dynastie, et elle est même conservée à l’époque amarnienne14. Sous Sésostris Ier, une expédition menée par Amény aux carrières du Ouadi Hammamat rapporte de quoi réaliser une soixantaine de sphinx en grauwacke15 ! Même les souverains d’origine étrangère comme Taharka n’ont pas hésité à se faire représenter en sphinx, en l’occurrence avec une crinière comme l’avaient fait auparavant d’autres souverains comme Amenemhat III et Hatchepsout16.

12Par rapport aux sphinx représentant un dieu, ceux figurant un roi peuvent tenir des vases dans leurs mains et non leurs pattes : on pense ici aux vases nou de Merenrê, ou au vase nemset d’Hatchepsout. On notera l’existence d’un surprenant sphinx-crocodile d’Aménophis III, dans son temple funéraire17.

13On l’aura constaté à travers ces quelques exemples, l’apparence animale des souverains est très fluctuante. Elle n’est pas limitée aux premiers temps de l’histoire pharaonique et ne peut s’apparenter à une vision uniquement archaïque des choses. Elle coexiste avec l’apparence humaine, sans l’éliminer ni être éliminée par elle. Elle paraît en fait traduire les caractères de la fonction monarchique que l’on souhaitait mettre en valeur en fonction des circonstances, que ce soit la force (lion, taureau), la domination et la fusion avec l’astre solaire (faucon), la virilité (taureau).

L’image anthropomorphe, la plus répandue

14À côté des représentations animales, le roi est aussi représenté comme un être humain, et c’est même son apparence la plus fréquente. Mais, même ainsi, il se distingue du commun des mortels par ses attributs, sa taille et l’idéalisation de son image.

Lesregalia, au cœur de l’image royale

15Quand il est représenté sous une forme humaine, le roi est aisément reconnaissable au port des regalia. Ce sont d’abord des couronnes. Traditionnellement, et ce dès la palette de Narmer, il est coiffé de la haute couronne blanche hedjet de Haute-Égypte, de la déesse vautour Nekhbet, ou de la couronne rouge decheret de Basse-Égypte, de la déesse cobra Ouadjet, ou encore de la réunion des deux sous la forme de la double-couronne ou pschent, nom venant de l’égyptien pa sekhemty qui signifie « les deux puissantes ». Attestées tout au long de l’histoire pharaonique, elles sont encore présentes aux époques ptolémaïque et romaine. D’autres couronnes ou coiffes peuvent les remplacer. C’est le cas de la couronne bleue à pois nommée kheprech ; du némès, coiffe en lin amidonné couvrant la tête, dont les revers plissés tombent sur le devant de la poitrine et dont l’arrière est noué sur la nuque sous forme de catogan ; ou encore d’un simple bandeau posé sur sa perruque. Ces différentes couronnes sont généralement rehaussées de l’uræus, cobra femelle lové et prêt à frapper tout ennemi, symbolisant l’inondation, et parfois aussi de la tête du vautour, protégeant Pharaon.

16Le monarque tient habituellement deux sceptres. L’un est le sceptre héka, recourbé dans sa partie supérieure en forme de point d’interrogation ; l’autre est le fouet nekhekh, parfois appelé flagellum. Tous deux sont également tenus par le dieu Osiris. D’autres sceptres peuvent leur être associés, comme le ouas, dont l’extrémité supérieure s’apparente à la tête du dieu Seth.

17Parmi les autres caractéristiques, il porte aussi une barbe postiche, trapézoïdale, plus large vers le bas18 : même la reine Hatchepsout, parmi ses regalia, est affublée de cette barbe postiche. En ce qui concerne les vêtements, ils sont un peu plus élaborés que ceux des Égyptiens, même des notables : il s’agit d’un pagne plissé chendyt, dont la partie centrale affecte, à l’avant, une forme trapézoïdale ou triangulaire. Une queue d’animal paraît à l’arrière, depuis les reins jusqu’à quelques centimètres du sol. Toujours dans le cas d’Hatchepsout, elle est parfois vêtue de la même manière, d’un simple pagne, et son torse nu ne laisse d’ailleurs pas entrevoir des seins féminins mais de simples pectoraux.

18Au cours de la fête sed, jubilé qui se déroule pour la première fois après trente ans de règne avant d’être renouvelé tous les trois ans, le roi modifie à plusieurs reprises son apparence. Il commence les cérémonies en pagne long, les poursuit vêtu d’un suaire, symbolisant sa mort, puis en manteau de fête sed, et enfin accomplit les rites de course en pagne chendyt avant de reprendre le premier pagne. C’est tout un cycle, visible sur les parois de différents temples, qui est ainsi déroulé et rappelle la mort rituelle du souverain suivie du renouvellement théorique de ses pouvoirs.

Représenter le roi, un problème de taille !

19Un autre élément significatif qui permet de distinguer le roi du commun des mortels est sa taille. Sur les parois des temples, il figure avec une taille similaire à celle des dieux. En revanche, quand il est en compagnie de ses sujets, il n’est guère possible de le confondre, car il les domine largement. Ainsi, sur la palette de Narmer où il écrase de sa taille les autres personnages, comme sur la façade du grand temple d’Abou Simbel, où Ramsès II est figuré assis à quatre reprises sur des statues de vingt mètres de haut, sans commune mesure avec les autres membres de sa famille, qui ne lui arrivent pas aux genoux, la disproportion est flagrante. Sur les parois de temples, il n’est pas rare de voir le souverain de taille héroïque, face à plusieurs registres de personnages de taille réduite. Les artistes ont clairement cherché à mettre en avant une hiérarchie, qui place le pharaon au-dessus de tous les autres personnages.

20À Abou Simbel, les dimensions gigantesques des images de Ramsès II contribuent aussi à la prise de possession de l’espace et visent à impressionner les populations nubiennes, alors que le souverain aurait pu se contenter de stèles-frontières. En ce sens, il imite Sésostris III, au Moyen Empire, qui avait doublé ses stèles de statues royales justement en Nubie, à Semnah.

Une image canonique

21Qu’il soit jeune ou âgé, le roi est représenté dans la force de l’âge. Ainsi, un roi de la fin de l’Ancien Empire comme Pépi II, arrivé au pouvoir alors qu’il n’était qu’un enfant, est représenté, sur une statue en albâtre, assis sur les genoux de sa mère, Ânkhenès-Mérirê II : en fait, c’est un adulte en réduction qui est figuré, déjà affublé des attributs royaux et doté d’une musculature adulte19. Un pharaon comme Ramsès II, qui règne jusqu’à un âge très avancé, au-delà des 90 ans, est représenté toujours aussi fringant qu’un demi-siècle plus tôt, alors que les analyses réalisées sur sa momie ont montré combien il souffrait de problèmes rhumatismaux20. L’image royale est dans le cas présent idéalisée. Tout cela doit traduire la puissance du souverain et, au-delà, celle de la monarchie pharaonique. En même temps, cela montre la stabilité du régime21. Ce n’est donc pas le roi en tant qu’individu qui est représenté mais le roi en tant que figure sociale, dont les caractéristiques se rapprochent, nous l’avons souligné, de celles des dieux. On constate d’ailleurs que, sous un même règne, il est difficile de distinguer le visage d’un dieu de celui du roi, sinon par les attributs et les attitudes. De même, il est souvent ardu de faire la différence entre un souverain et les autres membres de sa dynastie : en témoignent d’une part les cas de damnatio memoriae, où l’on se contente d’effacer le nom du souverain devenu indésirable alors que l’on conserve ses portraits qui serviront sans problème à ses successeurs, et d’autre part les cas de réemploi de certaines statues, dont des rois comme Ramsès II se sont fait une spécialité. C’est l’indice de l’existence de canons établis, en vigueur au cours d’un règne ou d’une dynastie.

22Il ne faut pas oublier l’objet des images royales. Il n’y a pas en Égypte d’art pour l’art : l’art est utilitaire, et il sert les objectifs de la monarchie pharaonique, à savoir une démonstration de force et de puissance. En ce sens, il n’est pas question de mettre en exergue une quelconque faiblesse du pouvoir, mais plutôt de le magnifier, en suivant pour cela les règles de l’époque.

23Le visage et l’allure générale du souverain varient également, en fonction de l’évolution de l’idéologie royale. Sous l’Ancien Empire, c’est la sévérité et la dureté qui l’emportent sur les portraits de Djoser, de Khephren et de Mykérinos. On retrouve ces aspects chez Montouhotep au Moyen Empire, juste avant les surprenantes figures tristes de Sésostris III. On est passé d’un roi divin à un roi en proie au doute des difficultés politiques et sociales. Le retour à la puissance au Nouvel Empire s’exprime dans la force tranquille qui se dégage des images royales des souverains de la XVIIIe dynastie, et dans la puissance des images ramessides.

24Dès lors, les quelques exemples qui montrent un roi affaibli ou offrant des caractéristiques physiques autres ont dû surprendre les populations. C’est le cas d’une série de statues de Sésostris III, au Moyen Empire, sur lesquelles le roi apparaît triste et fatigué, ou encore des représentations d’Akhenaton, qui montrent un roi au bassin large, à la taille étroite, au ventre bedonnant et à la poitrine opulente, accentuant des modifications déjà en germe à la fin du règne de son prédécesseur, Aménophis III. Ces cas sont toutefois exceptionnels, et il n’est pas question pour les artistes de laisser libre cours à un quelconque réalisme, dont ils étaient pourtant capables, comme l’indiquent des portraits de particuliers nains ou obèses (à l’Ancien Empire, le nain Seneb et sa famille dans le premier cas, Ka-Âper dit le Cheikh el-Beled ou encore Hemiounou dans le second). De même, un ostracon d’époque ramesside figure le visage du roi non rasé, chose exceptionnelle qui témoigne du deuil qui l’affecte. Cependant, ce document ne revêt aucun caractère officiel.

25D’autres modifications ont pu être apportées à l’iconographie royale : à diverses reprises, la monarchie est passée aux mains de souverains venus de l’étranger, et les caractères ethniques n’ont pas été gommés, comme pour les rois kouchites de la XXVe dynastie qui offrent ainsi des traits négroïdes. En ce qui concerne Hatchepsout dont nous avons souligné qu’elle pouvait être représentée au masculin, dépourvue de poitrine et vêtue d’un pagne, suivant les canons royaux qui sont masculins, d’autres statues la montrent comme une femme, dont les seins sont soulignés par une robe, sans qu’une raison permette de l’expliquer. Même avec l’arrivée des Lagides, la manière de représenter les souverains ne change pas fondamentalement lorsque l’on s’adresse aux Égyptiens de souche, sur les parois des temples de la vallée du Nil. On est toutefois en mesure de discerner des modifications, que ce soit dans l’expression du sourire, dans le modelé des corps et dans le rendu de la musculature qui incorporent une certaine rondeur, inconnue jusqu’alors.

Images du roi en action

Les fonctions religieuses et politiques

26Intermédiaire entre les hommes et les dieux, le roi est celui qui réalise les offrandes à ces derniers. Le roi-prêtre est une des images phares de l’iconographie royale22. C’est lui qui offre la Maât, si chère aux Égyptiens, sous la forme d’une femme accroupie coiffée d’une plume : cette notion d’équilibre se retrouve en permanence dans les programmes iconographiques sur les parois des temples, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Armé d’une houe, il procède aussi au creusement des canaux comme sur la massue du roi scorpion au début de l’ère pharaonique, pour optimiser la crue et pourvoir ainsi à l’approvisionnement en nourriture du pays, car il est le garant de la prospérité de celui-ci. Cette action prolonge son rôle religieux puisque de la prospérité du pays et du peuple dépend celle des temples et des domaines des dieux. De la qualité du culte qu’il réalise envers les dieux dépend le niveau de la crue : dès les premiers temps de l’histoire égyptienne, celle-ci est d’ailleurs notée chaque année parmi les faits majeurs du règne. À partir du Moyen Empire, des souverains comme Amenemhat III se font même représenter en tant que porteurs d’offrandes, tenant devant eux des plantes et des poissons du Nil, se rapprochant ainsi du génie androgyne de la crue, Hâpy23.

27D’autres scènes insistent sur son rôle politique, par l’image de la réunion des Deux Terres, représentée symboliquement par l’association des deux couronnes pour former le pschent. Elle est aussi représentée sur les stèles-frontières qui délimitent le territoire dominé par l’Égypte, ou sur les flancs du trône sur lequel le roi est assis (colosses de Memnon, Abou Simbel).

28Le roi est aussi un bâtisseur. Sur la palette des fondations de villes où il apparaît sous une forme animale, il tient également une houe. De façon générale, les textes insistent largement sur les monuments qu’il édifie, et associent ces constructions aux dieux au nom desquels il le fait avec la formule : « Il a fait ceci comme son monument pour son père… »

Les aptitudes physiques du roi

29Le roi est encore un combattant. Cette fonction est couramment mise en scène à l’extérieur des temples, sur les môles des pylônes, sans doute pour mieux marquer les esprits. Les prisonniers qu’il massacre sur ces représentations constituent une offrande en faveur des dieux ; à l’intérieur, les scènes sont plus teintées de religiosité. En combattant ses ennemis, le souverain poursuit en quelque sorte son action religieuse, puisque les ennemis sont considérés comme des forces négatives, qu’il convient de juguler pour maintenir l’équilibre cosmique. On peut prendre comme exemples les grands chefs de guerre que sont les Ramessides, Ramsès II à la bataille de Kadech et Ramsès III contre les Peuples de la Mer, mais ils ne font que poursuivre une tradition bien ancrée tout au long du Nouvel Empire, avec des rois comme Thoutmosis III ou Aménophis II, et qui existait longtemps avant, dès la palette de Narmer. Le souverain a une taille héroïque, et il est le seul à mener les combats. Même des rois qui n’ont pas vraiment mené de grandes campagnes sont ainsi figurés.

30Afin de s’entraîner à la guerre, le roi se doit d’être un sportif accompli. On le voit sur des scènes, où le futur Ramsès II chasse le taureau sauvage en compagnie de son père Séthi Ier à Abydos. Il s’agit tout aussi bien d’un entraînement sportif que d’une initiation du prince à son futur métier de roi. Les textes sont prolixes sur les exploits cynégétiques d’autres rois comme Aménophis II et Aménophis III, ce dernier ayant même fait connaître ces chasses aux lions et aux taureaux sauvages sur des scarabées commémoratifs.

Conclusion

31On mentionnera pour conclure des cas particuliers, où le nom du souverain apparaît dans l’image elle-même24. Sur une statue en granite de Ramsès II devant le dieu Houroun, forme du dieu Horus, le roi est accroupi, nu, coiffé du disque solaire et tenant de la main gauche un jonc. Il s’agit là d’un jeu de mots sur son nom : le disque se lit Rc, l’enfant ms, et le jonc sw. On a donc Rcmssw, soit le nom de Ramsès, dans la représentation, qui double le nom écrit dans un cartouche sur le socle du groupe statuaire. L’image est alors en elle-même le nom du roi.

Notes de bas de page

1 G. Lefebvre, Romans et contes égyptiens de l’époque pharaonique, Paris, 1976, p. 5 ; P.Le Guilloux, Les aventures de Sinouhé : texte hiéroglyphique, translittération et traduction commentée, Angers, 2002, p. 13, 24-25.

2 Pour les représentations en question, M.Saleh et H.Sourouzian, Catalogue officiel. Musée du Caire, Mayence, 1987, no 7 et 8.

3 C. Ziegler (dir.), catalogue de l’exposition Pharaon, Paris, 2004, p. 22-23.

4 Voir par exemple N. Grimal, Histoire de l’Égypte ancienne, Paris, 1988, p. 47.

5 M.-A. Bonhême et A. Forgeau, Pharaon. Les secrets du pouvoir, Paris, 1988, p. 210-211.

6 Ibid., p. 205.

7 C. Desroches-Noblecourt, Ramsès II. La véritable histoire, Paris, 1996, p. 134.

8 Ibid., p. 155-157 ; C. Lalouette, L’Empire des Ramsès, Paris, 1985, p. 121. Sur le griffon « résumé des animaux de la création », M.-A. Bonhême et A.Forgeau, op. cit., p. 206.

9 C. Lalouette, op. cit., p. 126.

10 Ibid., p. 120.

11 C. Ziegler (dir.), Pharaon, p. 181.

12 E. Warmenbol (dir.), catalogue de l’exposition Sphinx. Les gardiens de l’Égypte, Bruxelles, 2006, no 109, p. 79 et 243.

13 M. Saleh et H. Sourouzian, op. cit., no 121.

14 E. Warmenbol (dir.), op. cit., p. 23.

15 N. Favry, Sésostris Ier et le début de la XIIe dynastie, Paris, 2009, p. 114.

16 E. Warmenbol (dir.), op. cit., fig. 8, p. 89 ; no 53, p. 93 et 210, fig. 5, p. 103.

17 Ibid., fig. 5, p. 86-88.

18 Elle est donc différente de celle des dieux, qui est tressée et recourbée vers l’avant à son extrémité.

19 C. Ziegler (dir.), catalogue de l’exposition L’Art égyptien au temps des pyramides, Paris, 1999, no 173, p. 347-348.

20 Tout au plus la statue conservée à Turin peut-elle le suggérer, par le caractère voûté du haut du corps.

21 M.-A. Bonhême et A. Forgeau, « Le pouvoir discursif de l’effigie royale », dans C. Ziegler (dir.), Pharaon, p. 160-165.

22 Voir J.-L. Podvin, L’Égypte ancienne, Paris, 2009, p. 145-158.

23 M. Saleh et H. Sourouzian, op. cit., no 104.

24 M.-A. Bonhême et A. Forgeau, op. cit., p. 40.

Auteur


Le texte seul est utilisable sous licenceLicence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Paysans des Alpes

Paysans des Alpes

Les communautés montagnardes au Moyen Âge

Nicolas Carrier et Fabrice Mouthon

2010

Pérégrin d’Opole

Pérégrin d’Opole

Un prédicateur dominicain à l'apogée de la chrétienté médiévale

Hervé Martin

2008

Un constructeur de la France du xxe siècle

Un constructeur de la France duxxe siècle

La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)

Pierre Jambard

2008

Ouvriers bretons

Ouvriers bretons

Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968

Vincent Porhel

2008

L'intrusion balnéaire

L'intrusion balnéaire

Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)

Johan Vincent

2008

L'individu dans la famille à Rome au ive siècle

L'individu dans la famille à Rome auive siècle

D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan

Dominique Lhuillier-Martinetti

2008

L'éveil politique de la Savoie

L'éveil politique de la Savoie

Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)

Sylvain Milbach

2008

L'évangélisation des Indiens du Mexique

L'évangélisation des Indiens du Mexique

Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)

Éric Roulet

2008

L'étranger en Bretagne au Moyen Âge

L'étranger en Bretagne au Moyen Âge

Présence, attitudes, perceptions

Laurence Moal

2008

Les saints bretons entre légendes et histoire

Les saints bretons entre légendes et histoire

Le glaive à deux tranchants

Bernard Merdrignac

2008

Les miroirs du silence

Les miroirs du silence

L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934

Patrick Bourgalais

2008

Paysans des Alpes

Paysans des Alpes

Les communautés montagnardes au Moyen Âge

Nicolas Carrier et Fabrice Mouthon

2010

Pérégrin d’Opole

Pérégrin d’Opole

Un prédicateur dominicain à l'apogée de la chrétienté médiévale

Hervé Martin

2008

Un constructeur de la France du xxe siècle

Un constructeur de la France duxxe siècle

La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)

Pierre Jambard

2008

Ouvriers bretons

Ouvriers bretons

Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968

Vincent Porhel

2008

L'intrusion balnéaire

L'intrusion balnéaire

Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)

Johan Vincent

2008

L'individu dans la famille à Rome au ive siècle

L'individu dans la famille à Rome auive siècle

D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan

Dominique Lhuillier-Martinetti

2008

L'éveil politique de la Savoie

L'éveil politique de la Savoie

Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)

Sylvain Milbach

2008

L'évangélisation des Indiens du Mexique

L'évangélisation des Indiens du Mexique

Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)

Éric Roulet

2008

L'étranger en Bretagne au Moyen Âge

L'étranger en Bretagne au Moyen Âge

Présence, attitudes, perceptions

Laurence Moal

2008

Les saints bretons entre légendes et histoire

Les saints bretons entre légendes et histoire

Le glaive à deux tranchants

Bernard Merdrignac

2008

Les miroirs du silence

Les miroirs du silence

L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934

Patrick Bourgalais

2008

1 G. Lefebvre, Romans et contes égyptiens de l’époque pharaonique, Paris, 1976, p. 5 ; P.Le Guilloux, Les aventures de Sinouhé : texte hiéroglyphique, translittération et traduction commentée, Angers, 2002, p. 13, 24-25.

2 Pour les représentations en question, M.Saleh et H.Sourouzian, Catalogue officiel. Musée du Caire, Mayence, 1987, no 7 et 8.

3 C. Ziegler (dir.), catalogue de l’exposition Pharaon, Paris, 2004, p. 22-23.

4 Voir par exemple N. Grimal, Histoire de l’Égypte ancienne, Paris, 1988, p. 47.

5 M.-A. Bonhême et A. Forgeau, Pharaon. Les secrets du pouvoir, Paris, 1988, p. 210-211.

6 Ibid., p. 205.

7 C. Desroches-Noblecourt, Ramsès II. La véritable histoire, Paris, 1996, p. 134.

8 Ibid., p. 155-157 ; C. Lalouette, L’Empire des Ramsès, Paris, 1985, p. 121. Sur le griffon « résumé des animaux de la création », M.-A. Bonhême et A.Forgeau, op. cit., p. 206.

9 C. Lalouette, op. cit., p. 126.

10 Ibid., p. 120.

11 C. Ziegler (dir.), Pharaon, p. 181.

12 E. Warmenbol (dir.), catalogue de l’exposition Sphinx. Les gardiens de l’Égypte, Bruxelles, 2006, no 109, p. 79 et 243.

13 M. Saleh et H. Sourouzian, op. cit., no 121.

14 E. Warmenbol (dir.), op. cit., p. 23.

15 N. Favry, Sésostris Ier et le début de la XIIe dynastie, Paris, 2009, p. 114.

16 E. Warmenbol (dir.), op. cit., fig. 8, p. 89 ; no 53, p. 93 et 210, fig. 5, p. 103.

17 Ibid., fig. 5, p. 86-88.

18 Elle est donc différente de celle des dieux, qui est tressée et recourbée vers l’avant à son extrémité.

19 C. Ziegler (dir.), catalogue de l’exposition L’Art égyptien au temps des pyramides, Paris, 1999, no 173, p. 347-348.

20 Tout au plus la statue conservée à Turin peut-elle le suggérer, par le caractère voûté du haut du corps.

21 M.-A. Bonhême et A. Forgeau, « Le pouvoir discursif de l’effigie royale », dans C. Ziegler (dir.), Pharaon, p. 160-165.

22 Voir J.-L. Podvin, L’Égypte ancienne, Paris, 2009, p. 145-158.

23 M. Saleh et H. Sourouzian, op. cit., no 104.

24 M.-A. Bonhême et A. Forgeau, op. cit., p. 40.